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Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
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Pourquoi les stars de la télé finissent sur YouTube ?

👉 Ou comment la plateforme de vidéos devient aussi celle de la mémoire

🧐 Hello, vous avez vu ? Après «vos parents qui débarquent sur Faceook», voici «les anciennes stars de la télé qui s’installent sur YouTube» ! Au générique: Thierry Ardisson et Mireille Dumas qui coproduisent avec l’INA pour ouvrir leur propre flux; Claire Chazal qui ouvre sa propre chaîne d’interviews (produite par le YouTubeur Gaspard G); et bien d’autres gloires de la télé, anciennes ou non, qui succombent aux sirènes de la plateforme. Ça fait beaucoup et on s’est demandé si YouTube était en train de devenir la Télé ou si la télé était en train de se YouTubiser.

🗣️ Pour essayer de comprendre, on a discuté avec Antoine Bayet, le directeur éditorial de l’INA, dont le succès montre qu’on peut faire du neuf avec du vieux. En quelques années, l’INA a su intégrer les codes des réseaux sociaux et du monde de la création pour proposer une ligne éditoriale et des contenus. Notamment en amenant Ardisson et Dumas. On vous explique tout ça.

🧨 Au programme : 1 042 mots pour 5 minutes de lecture. Enjoy ! David.


« Dans ce qui est “consommé” aujourd'hui sur YouTube, et plus largement sur les plateformes vidéo, on reste sur quelque chose qui est compréhensible et lisible pour l’audience. Le spectateur sait qu'il consomme de l'ancienne télé, mais ce qui change fondamentalement, c’est qu’il le fait de manière non linéaire, il choisit ce qu’il veut regarder.

Ce n'est pas parce que l'ancienne télé va avoir du succès sur YouTube que les frontières sont complètement brouillées. Les formats ne sont toujours pas tout à fait les mêmes, les contenus sont packagés de manière différente… Je ne crois pas à ce truc complètement indifférencié où la télé serait devenue YouTube, YouTube serait devenue la télé… L'un ne se substitue pas à l’autre. »

L’art de la Thumbnail…par l’homme en noir

« Je vais prendre un exemple que je connais très bien, la chaîne de Mireille Dumas que nous coéditons avec l’INA. On y trouve des d’anciennes émissions de Mireille Dumas, mais on a aussi eu envie de créer des contenus inédits dans lesquels elle va retrouver les personnes qu'elle avait interviewées dans ses émissions, et qui avaient fait des séquences fortes. On ne sait jamais à l’avance combien de temps dureront les séquences, mais il y a un espace qui permet d’être créatif.

On a en projet avec Mireille Dumas d'aller tourner d’autres programmes sans que cela repose sur une ancienne émission. Dans tous les cas, il n’y a pas de contraintes de cases, ou d’exigences d’un diffuseur, on accumule de la matière et on en fera forcément une création d’abord numérique. »

« On passe vraiment du temps à les accompagner, on est dans de la co-rédaction en chef avec eux. Elles connaissent leur programme par cœur, mais très vite, elles se prennent au jeu pour intégrer les codes de la culture numérique, elles vont essayer de comprendre pourquoi il faut faire un face cam au début, pourquoi le générique doit apparaître à tel moment… Et une fois que tu leur as expliqué le cadre, elles vont s'en saisir, et ça va devenir leur première motivation. Tout cela est essentiel pour transmettre ce qui est au cœur de notre métier aujourd’hui. »


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« L’INA est devenu un média et un média nativement numérique, sans la pression continue que peut exercer une antenne, et je retrouve plus largement le fonctionnement d'un pure player, qui permet d'essayer plus de choses, d'aller plus vite, et de trouver un lieu d'échange avec une communauté massive. On s'est mis en état de marche pour expérimenter pas mal de choses. On prend des risques, parfois ça marche, d’autres non.

Quand on fait les choses, on aime bien les faire à notre manière. Par exemple, on a lancé une chaîne FAST, c’est à la mode en ce moment de recréer des chaînes thématiques linéaires sur les télés connectées. Les perspectives de revenus n’étaient pas énormes mais nous permettaient de tester quelque chose. Ce n’est pas juste une question de maximiser le catalogue. Nous, on s’est vraiment cassé la tête pour recréer de vrais grilles de programmation. Par exemple, on diffuse Ardisson à l’heure d’origine de ses émissions. Du coup, on a décidé de continuer à réfléchir au développement de nouvelles chaînes Fast sur d’autres verticales. »

« On a deux publics qui vont se retrouver sur l’INA et qu'on prend en compte systématiquement sur chaque vidéo que l'on va produire. Des personnes qui vont être en contact avec nous parce qu'ils ont l'envie de revoir quelque chose, et donc qui vont avoir un certain âge évidemment, mais il est un peu plus jeune qu’un téléspectateur classique. C'est ce public qui est le plus prêt à payer, sur l'offre Madelen. Et en même temps, il y a un public qui se contrefiche de revoir quelque chose et qui va découvrir l’INA par les réseaux sociaux. Et là, l’âge moyen de ce public est de 31 ans. Nous, nous devons faire en sorte que tout le monde s’y retrouve. On n’y arrive pas toujours mais on a ce souci de ne pas exclure.

Belle prog’

« D'abord ce qu'on a fait avec Ardisson et Dumas, on cherche à le faire avec d'autres, tout simplement. Ça peut être des animateurs producteurs, ça peut aussi être juste des producteurs aussi. On bosse par exemple avec Morgane productions pour lancer INA HIP HOP. Il y a un marché de l'exploitation des catalogues de producteurs qui existe et sur lequel, côté INA, on revendique de le faire d'une certaine manière, avec de l'attention éditoriale.

Il est devenu indispensable pour nous de renouveler les catalogues ou les droits, sinon l'INA ne va plus avoir de matière sur des pans entiers de ce qui s'est passé dans la société française. Le catalogue de Mireille Dumas est génial parce qu'il nous permet de documenter les années 90, comme les interrogations sur la sexualité à cette époque. »

« L’archivage du web en général existe aujourd’hui : c’est le dépôt légal du web, qui est exercé pour partie par la BNF et pour partie par l’INA. À l’INA, nous assurons toute la partie audiovisuelle du dépôt légal du web, donc c’est l’INA qui capte et qui archive les vidéos YouTube. Et c'est assez vertigineux comme implication.

Je ne peux absolument rien diffuser de ce qui a été capté à ce titre-là aujourd'hui. Mais il faut bien commencer par quelque chose et essayer de réfléchir à la manière dont on peut organiser ça. C'est comme ça qu'on a fait un deal avec TikTok. Résultat : en mai 2024, on a commencé à archiver TikTok. Nous sommes sur des formats encore différents de YouTube, mais c’est pareil, dans 20 ans, quand quelqu'un voudra comprendre ce qu'était la société française en 2024, je pense qu'il aura besoin de pouvoir accéder à ce TikTok-là. 

Ce sera absolument passionnant d'aller négocier des exploitations avec des nouveaux acteurs de la création qui en même temps sont aussi producteurs. Ça, c'est notre terrain à venir. »


UN MOT DE NOTRE CHAINE YOUTUBE

Une fois n’est pas coutume, cette semaine on s’intéresse à un métier assez méconnu du grand public et qui est pourtant au cœur de l’économie de la création : auteur. On a discuté avec l’un d’entre eux, Pierre-Paul Audi qui a notamment travaillé sur des émissions comme « Lol Qui Rit Sort » ou encore « Comedy Class » diffusées sur Prime Video avec Eric et Ramzy. Pendant 30 minutes, il nous dévoile les coulisses de son métier avec beaucoup d’anecdotes à la clé…Si ça vous intéresse, ça se passe ici.