👉 Ou comment on peut s'amuser avec des logiciels RH et français...
☕️ Qui a dit que le modèle d’une startup, c’était de lever des fonds, de grossir le plus vite possible et de dépenser tout son argent avant de se poser la question de la rentabilité ? Pas Lucca en tout cas. Sur son marché gentiment à la hausse des Systèmes d'Information des Ressources Humaines, Lucca affiche depuis plus de dix ans des taux de croissance insolents. + 38% en 2024 pour un revenu annuel récurrent de près de 60 millions d’euros…
✨ Clairement, il y a un modèle Lucca. Pas reproductible par tout le monde car il demande de la patience, de l’imagination et beaucoup, beaucoup, beaucoup d’écoute. Un modèle original donc qui s’est construit autour de plusieurs idées fortes que je vais me faire un plaisir de vous expliquer.
🧨 Au programme : 1 530 mots pour 7 min 36 de lecture. Enjoy ! David.
Longtemps, Lucca n’a pas voulu lever de fonds. Notamment parce qu’elle n’en avait pas besoin. Ni spécialement l’envie. Pour comprendre cette particularité, il faut revenir aux origines de cette boîte.
Et là, comme souvent, il y a une personnalité qui est là dès le départ et qui donne la couleur de tout ce qui suit. Celle qui se «cache» derrière Lucca, c’est Gilles Satgé. Alors que faut-il savoir de lui ?
l’homme est un passionné des tableurs. Il y a des gens qui sont fans d’astronomie dans leur jeunesse et qui finissent par devenir influenceur-spationaute. Gilles lui, c’était les tableurs. Après l’Apple 2 de ses parents, le jeune étudiant de l’Ecole supérieure de commerce de Paris, découvre les premiers tableurs sur IBM PC. C’est le choc. L’équivalent de la découverte d’un ChatGPT pour l’époque. Alors, dans sa tête, pour le moment, il utilise l’informatique pour modéliser le fonctionnement de l’entreprise. Un vrai truc de nerd.
l’homme est un passionné qui sait saisir les bonnes opportunités. Aux débuts des années 2000, il est directeur financier chez WebNet, une SSII. Mettant à profit un creux dans l’activité (juste l’arrêt d’une introduction en Bourse dont il avait la charge), il développe un logiciel interne de gestion des congés qui s’appelle WebRTT. Et se rend compte de son potentiel commercial. Problème, la bulle Internet explose, et WebNet ne compte pas développer WebRTT qui se retrouve à vendre. Gilles Satgé se rend alors compte qu’il est le mieux placé pour le développer. Alors, il rachète WebRTT, il part avec avec le développeur avec lequel il a créé le logiciel et tous les deux créent Lucca.
l’homme est un passionné qui sait convaincre par son énergie et sa fougue. Des fois, un peu trop. A une époque, les équipes développent des logiciels dans tous les sens. Au point qu’il n’y a parfois plus assez de monde pour les corriger et les améliorer, ou même pour les vendre. Lucca traverse une crise existentielle et RH qui va marquer Gilles Satgé et le pousser à trouver de nouveaux modes de fonctionnement, à repenser l’équilibre entre développeurs, commerciaux et marketeux.
il aime se déguiser, mais on y reviendra plus tard
Un jeune futur CEO qui ne le sait pas encore…
Maintenant qu’on a fait connaissance avec le patron, on peut mieux comprendre comment Lucca s’est développé. D’abord doucement, dans sa première dizaine d’années de vie. La boîte connaît certes une croissance, qui lui permet, au pire de survivre, au mieux de se développer doucement.
Le premier vrai tournant arrive dès 2006 quand Lucca décide d’orienter sa stratégie autour du SaaS avant même que ce mot n’existe. Plus besoin de vendre des licences de logiciels à des entreprises et de les installer sur leurs serveurs en interne. Tout se fait dans le cloud et via abonnement. A l’époque, c’est encore révolutionnaire et certaines boîtes refusent de perdre la main sur leurs informations. Lucca ne veut pas faire d’exception, et comme elle ne fait pas les choses à moitié, elle préfère perdre quelques clients pour se concentrer sur cette nouvelle architecture. Et ça paye.
A partir du milieu des années 2010, la croissance est au rendez-vous. Lucca a une offre de services claire. Et ce qui fait sa différence notamment, c’est qu’elle est pensée pour celles et ceux qui les utilisent. Plutôt que de développer un logiciel généraliste chargé de régler toutes les questions RH qui touchent une entreprise, Lucca propose des solutions simples à des besoins précis. En interne, ils appellent la stratégie du tournevis vs la stratégie du couteau suisse. Et il y a un autre mantra interne qui définit leur philosophie : « Un logiciel de gestion n’est pas nécessairement gris, moche et triste ».
L’autre date qui marque un changement d’ère, c’est mars 2022. Lucca réalise sa première levée de fonds de 66 millions d’euros auprès du fonds One Peak. Vingt d’existence et une seule levée de fonds. C’est que jusqu’alors, la société avait pris soin de grandir toute seule, comme une grande. En allant chercher les financements où ils pouvaient être (emprunts, obligations, aides publiques, crédit impôt recherche…).
Mais l’époque est à l’agressivité dans ce secteur, les concurrents lèvent des fonds et Lucca, même si ce n’est pas vital, a peur d’être relégué au second plan. D’où cette première levée qui change forcément quelque chose puisque soit elle en appelle d’autres, soit il faudra trouver à terme un repreneur pour les parts de One Peak.
Nous n’en sommes pas encore là. Et en tout cas, la croissance n’a pas faibli. Et Lucca se porte mieux que son marché. Ce n’est pas si commun mais ce n’est pas ce qui la rend aussi atypique. Nous allons y venir.
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Comme souvent dans une startup, les premiers salariés sont des passionnés qui s’investissent à fond. Tous partagent l’envie et la motivation de faire réussir ce qui est un peu leur boîte. C’est bien mais c’est à double tranchant car à force, cet investissement personnel peut vite se transformer par de l’exploitation d’un côté, de la déception de l’autre. Ce n’est pas le cas chez Lucca. L’état d’esprit des débuts perdure et chacun y trouve son compte. Comment ? Par une politique RH originale.
Il suffit de trouver et de regarder les photos ou les vidéos des séminaires annuels qu’organise Lucca chaque année pour percevoir l’ambiance qui peut y régner. Et ce n’est pas une solidarité de façade, c’est le fruit d’une stratégie voulue. Quelques exemples :
Depuis le début, l’entreprise fait le choix de miser sur des jeunes prometteurs dans le but de les former et les garder le plus longtemps dans l’entreprise. Alors, le processus de recrutement est très précis et permet de laisser peu de place au hasard. Beaucoup de personnes de l’entreprise sont impliqués pour être certain que la personne pourra s’épanouir avec eux. Il y a même à la toute fin du processus, un grand oral où le candidat doit présenter un sujet de choix devant une dizaine de personnes de services différents. Ça a l’air costaud mais ça permet de déjà bien se connaître et de faciliter l’intégration par la suite.
Tout est transparent, y compris les salaires, et la hiérarchie est plutôt horizontale. Chacun sait ce qu’il a à faire et organise ses horaires en conséquence.
Il existe une culture du débat où tout est mis à la discussion.
Des week-ends « startup » sont organisés chaque année, durant lesquels des équipes planchent sur des idées de nouveaux produits à usage interne ou externe proposés par les employés.
Les séminaires créent une mémoire collective. Notamment parce que Gilles Satgé offre toujours une performance dont il a le secret. Comme l’an dernier où il est arrivé déguisé en Jul pour rendre hommage à Marseille qui les accueillait. Pour se marrer surtout.
Les commerciaux n’ont pas de variables, leurs intérêts sont alignés sur ceux des autres employés. Et pourtant ils restent. C’est que Lucca tente d’imaginer des politiques d’incitation originales : primes globales mais aussi développement de l’actionnariat salarié, chaque année, des salariés sont cooptés pour en bénéficier…
Bref, tout est fait pour que les employés puissent mettre en adéquation leurs valeurs et celles de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. Et cette liberté de ton, on la retrouve aussi dans la communication de Lucca.
Une soirée entre amis chez Lucca…
Quand j’ai demandé à interroger Gilles Satgé pour qu’il me raconte l’histoire de Lucca dans ce format interview que je fais parfois, on m’a demandé plein d’infos sur Hupster. Normal. Mais on m’a aussi demandé ce que je dirai au CEO si je l’avais en face de moi pour le convaincre de m’accorder cet entretien. Je n’avais jamais eu ça, et il faut croire que je n’ai pas réussi le test, car je n’ai pas eu l’interview.
Pas grave, j’ai mes sources. Mais ça montre bien l’état d’esprit.
Je vais vous donner un autre exemple. Il y a quelques semaines, Gilles Satgé repère un avis négatif sur Trustpilot, site d’avis sur des entreprises du monde entier. Et site sur lequel Lucca obtient l’excellente note de 4.5 sur plus de 2500 avis. Là, il y a quelque chose de bizarre et très vite, le boss découvre que derrière cet avis se cache le directeur commercial d’un concurrent. Il en fait un post mi-amusé, mi-agacé sur Linkedin mais sans balancer de nom. Mettre ce genre de choses sur la place est inhabituel. Plus inhabituel encore, c’est le CEO du concurrent en question qui répond publiquement en confirmant qu’il s’agit bien de quelqu’un de chez lui et en s’excusant. Surréaliste dans le monde sans pitié de l’entreprise.
Cette liberté de ton, on la retrouve dans les vidéos que Lucca produit tout au long de l’année ou alors dans L’Heure H, sa newsletter mensuelle qui arrive à parler de l’actu RH de manière drôle et très second degré. Ça aussi, ce n’est ni moche, ni gris, ni triste.
Lucca arrive à un autre moment important de son développement. Avec 9000 clients, un objectif de 900 employés d’ici la fin 2025, deux nouveaux produits pour la gestion des recrutements et pour la planification, et des filiales un peu partout en Europe, on n’est pas trop inquiet pour son modèle économique. La vraie question sera de pouvoir conserver ce qui fait sa différence avec tous les autres.
Et si vous voulez en savoir plus sur l’histoire de Lucca racontée par Lucca, vous pouvez vous suivre le documentaire qu’elle diffuse sur sa chaîne YouTube.
(A demain pour une nouvelle question Hupster)
Swann Périssé a tout connu sur YouTube : les galères de tournage, les collab' improbables, les vidéos virales incontrôlables. Aujourd'hui, pour Hupster, elle dresse le bilan de ses 10 ans passés sur la plateforme et nous raconte comment ses débuts et ses premières vidéos ont façonné sa manière d'écrire et de faire rire les gens aujourd'hui. Ça se passe sur notre chaine YouTube et c’est dispo juste ici.