☕️ Hello, aujourd’hui, on va vous raconter l’histoire de Mediawan. Ce studio, vous le connaissez même sans le connaître, car la bonne santé du cinéma en France, c’est lui. Contrairement à son homologue américain dont les recettes stagnent et dépendent principalement de suites (Vice-Versa, Deadpool, Vaiana, Gladiator, Dune, Kung Fu Panda…), le cinéma français a rayonné en 2024 : 181 millions d’entrées dans les salles soit le plus haut score de fréquentation depuis l'apparition du Covid. C’est d’autant plus une année faste que deux films français trustent les deux premières places du box-office : Un petit truc en plus et Le Comte de Monte-Cristo. Et L’amour ouf est également dans le Top 5.
🔎 Et derrière ces chiffres, il y a Mediawan. C’est ce studio qui a produit Le Comte de Monte-Cristo et L’amour ouf. A lui seul, avec ses treize films en salles, il pèse 12% des entrées.
⏱️ Il aura fallu moins de dix ans à cette entreprise créée par Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse pour devenir le premier studio indépendant de films en Europe. Un exploit. Et ça mérite qu’on vous raconte comment tout cela est arrivé.
🧨 Au programme : 1 185 mots pour 6 min de lecture. Enjoy ! David.
Pour une entreprise spécialisée dans les films, les séries, les documentaires, et qui travaillent avec des auteurs et des autrices, ça peut paraître étrange, mais la naissance de Mediawan, c’est d’abord une opération boursière particulièrement complexe. Pas grand-chose à voir avec la création. Et d’ailleurs, quand Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse unissent leur force, ils ne savent pas pour quoi faire précisément. Ils ont une intuition : ils voient les plateformes arriver et ils se disent qu’il y a une place à prendre dans la production de programmes, avec une identité européenne.
Nous sommes donc en décembre 2015. C’est Xavier Niel et Matthieu Pigasse qui ont l’idée de créer Mediawan. Ils ont besoin de quelqu’un pour gérer l’entreprise et ils pensent à Pierre-Antoine Capton. Celui-ci a monté sa boîte de production, « Troisième œil », trois ans auparavant et ça marche plutôt bien pour lui avec des programmes comme C à Vous sur France 5. Niel et Capton se connaissent bien, le premier ayant « volé » à Canal+ une interview exclusive du patron de Free qui avait apprécié cette audace.
L’alliage des trois semble naturel mais pas tant que ça. Car le travail à venir n’a rien à voir avec la production de contenus. Il s’agit de monter une opération financière internationale permettant de lever des fonds. Beaucoup de fonds. Ça s’appelle une SPAQ, une sorte de coquille vide cotée en Bourse et qui ne demande qu’à être remplie. Le principe est d’aller chercher des investisseurs et de les convaincre de miser sur vous, presque peu importe le projet. Le but est de pouvoir lever assez d’argent pour aller faire une grosse acquisition et lancer votre business. Tout se joue sur une intuition et une grosse force de conviction.
Les 3 mousquetaires derrière Le Comte de Monte-Cristo
Problème, Pierre-Antoine Capton ne connaît rien au monde de la finance et il ne parle pas très bien anglais. Les premières réunions aux États-Unis ne se passent pas très bien. En face, les interlocuteurs sont redoutables. Un jour, un investisseur les reçoit en crocs, met les pieds sur la table et passe l’entretien à se tripoter les doigts de pied. Pierre-Antoine Capton ne supporte pas ce genre d’humiliations et il décide de perfectionner son anglais et ses connaissances dans le domaine de la bourse et des investisseurs.
Il faut dire que la pression est forte, les trois associés misent gros. Ils mettent chacun 2 millions d’euros de leur poche, dédiés aux frais et aux roadshows, qu’ils ne reverront pas s’ils échouent à lever.
Au fur et à mesure, ils finissent par convaincre un certain nombre d’investisseurs qui acceptent de payer pour voir, comme au poker. Et à l’arrivée, Mediawan lève en avril 2016, pas moins de 250 millions (!!) d’euros. Ils ont désormais deux ans pour réaliser l’acquisition qui leur permettra de poser la première brique de l’empire audiovisuel qui se dessine dans leur tête.
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Pour être fort aujourd’hui, il faut produire le contenu, mais il faut aussi pouvoir le distribuer et le diffuser. Si Mediawan veut jouer dans la cour des grands, il faut mettre la main sur un groupe qui permet de toucher à toutes ces activités.
Et ce sera AB Productions. Société de production connue pour avoir enfanté le « Dorothée Cinematic Universe » dans les années 90 mais dont les ramifications vont bien au-delà puisqu’elle possède un catalogue très fourni et une vingtaine de chaînes de télévision. L’ironie veut que Pierre-Antoine Capton y ait travaillé comme stagiaire. L’opération est validée par les investisseurs et commence alors une véritable moisson pour faire grossir le groupe.
La tactique est simple pour Mediawan
Son but est autant de financer les projets que de positionner très tôt sur la gestion des droits (les IP) à l’international. Par exemple, dès 2017, elle s'associe à la boîte de production Chapter 2 de Dimitri Rassam, ça aura son importance plus tard, et surtout, ça montre que Mediawan cherche à s’associer très en amont à des talents pour les accompagner le plus longtemps possible.
Pendant un temps, la société va continuer ses emplettes, en cherchant notamment à s’installer en Europe. C’est ainsi qu’en 2019, elle devient actionnaire majoritaire de Palomar, un producteur indépendant de films, de séries et de documentaires italien. Elle prend aussi toute une série de participation dans des boites de productions françaises de films et de documentaires, et monte des deals de distribution avec des chaînes, comme Canal+.
Mais vient l’heure où il faut encore franchir une étape. Il va falloir plus d’argent. Alors Mediawan fait entrer KKR, un important fond américain à son capital. Cela lui permet trois choses :
racheter toutes les actions non détenues par les trois fondateurs et de sortir de la Bourse
KKR étant déjà impliqué dans la production de contenus, il amène aussi quelques beaux deals, dont un en Allemagne
réaliser un de ses plus beaux coups à savoir une prise de participation dans Troisième oeil, la boîte de Capton, et l’acquisition de Lagardère Studios, une pépite française déjà bien établie avec tous les gros diffuseurs français mais aussi Netflix
Le groupe français a désormais toutes les cartes en mains pour se développer, et notamment à l’international.
Afin de pouvoir prétendre jouer à la table des plus grands, Mediawan sait qu’il faut posséder les bonnes structures (ça c’est fait), qu’il faut miser sur les bons projets et les bons talents. C’est ici qu’on retrouve Dimitri Rassam, producteur césarisé pour le film d’animation Le Petit Prince. Bonne pioche. Ensemble, ils vont monter la trilogie des Mousquetaires et Le Comte de Monte-Cristo, un des cartons du box-office 2024. Prochain défi : l’adaptation des Rois Maudits. De la même manière, ils investissent dans d’autres sociétés de production: celle d’Arnaud Sélignac à qui l’on doit Bac Nord notamment, ou dans celle de Florian Zeller.
Une des particularités de ce métier, c’est de devoir prendre des risques. Faire des paris dont on ne sait pas s’ils vont faire gagner ou perdre beaucoup d’argent. Ainsi, quand les équipes de Troisième œil voient les rushes de Clément Cotentin sur son frère Orelsan, elles décident de s’engager. Sans même avoir de diffuseur; sans savoir que ça fera un carton sur Amazon; sans savoir que cela changera la manière de sortir un album pour un artiste.
Maintenant, pour l’international, il faut trouver les bons partenaires. Pour Mediawan, ça sera Brad Pitt. Tout simplement. L’acteur américain cherche des partenaires pour développer en Europe sa société de production, Plan B. Et maintenant que le groupe veut s’investir dans le sport, elle monte un partenariat avec Lebron James. Tout simplement.
Aujourd’hui Mediawan pèse 1,6 milliard de chiffre d’affaires et est impliqué dans 80 sociétés de production dans le monde entier. Et en 2025, elle aura plus d’une vingtaine de films en production. Pas mal pour un projet dont les cofondateurs ne savaient pas quoi faire au départ.
UN MOT DE NOTRE CHAINE YOUTUBE
Justine Reix est journaliste mais elle ne travaille pas pour des médias. Son job à elle, c'est d'écrire des vidéos pour des YouTubeurs : une enquête pour Simon Puech en passant par un grand format pour Hugo Décrypte, une vidéo horreur pour Squeezie ou une analyse pour Charles Villa.
Elle nous raconte pendant près de 30 minutes en quoi ça consiste et comment on collabore au quotidien avec des créateurs qui ont commencé en faisant tout eux-mêmes. N'hésitez pas si des profils comme Justine vous intéressent et on essaiera d'organiser d'autres interviews de ce type. La vidéo est juste ici, enjoy et abonnez-vous !