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Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
24 juil. · 5 mn à lire
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👀 Comment je gère l’IA chez Yuka

👉 Julie Chapon, la fondatrice de Yuka, nous raconte comment l'application a su exploiter la puissance de ChatGPT...

🔎 Hello, on vous emmène tout l’été dans une série aux frontières de l’intelligence artificielle. Au programme : quatre épisodes avec quatre personnalités qui racontent leurs expériences, leurs craintes, leurs espoirs, leurs rapports avec cette rupture technologique dont on peine encore à mesurer l’impact. Aujourd’hui, Julie Chapon, la fondatrice de Yuka, explique comment l’IA a changé la manière de travailler de son entreprise.

🇺🇸 Où l’on apprend comment Yuka est en train de conquérir les États-Unis après avoir séduit un tiers des Français (!!!).

🧨 Au programme : 1 726 mots pour 6 minutes de lecture. Enjoy ! David.


On a souvent entendu Julie Chapon raconter l’histoire extraordinaire de Yuka, cette application qui a changé le rapport des Français avec les produits qu’ils achètent. On l’a beaucoup moins entendue expliquer comment elle a utilisé les ressources permises par l’intelligence artificielle pour changer certaines méthodes de travail dans son entreprise.

Il lui a fallu imaginer comment l’IA pouvait aider, mettre en place les bons outils, et former l’ensemble de ses équipes. Au moment où l’application s’attaquait au marché américain, l’IA s’est révélée être un outil très précieux.

Elle nous raconte tout …

Quand c’est rouge, c’est pas bon. Pas besoin d’une IA pour le savoir // ©Yuka

Comment s’est construit votre algorithme au départ ?

Quand on s'est lancé, un des points-clés a été d'avoir une base de données fiables. Au départ, on a utilisé la base de données Open Food Facts qui était en open data mais assez rapidement, on a basculé sur notre propre base de données.

Comment a évolué l'algorithme au fil du temps ?

L’algorithme n'a pas évolué, la méthode de notation est la même depuis le début. Ce qui a évolué en revanche, c’est le Nutriscore sur lequel nous nous basons en partie. Comme il a fait évoluer ses règles, on a donc fait évoluer l’algorithme en fonction. De même, il y a régulièrement de nouvelles études scientifiques sur les substances cosmétiques ou des additifs alimentaires, et donc on fait aussi des mises à jour. On a 5 millions de produits dans la base. L’objectif, forcément, c'est d'avoir le niveau de fiabilité le plus élevé possible sur toutes les références.

On est en mesure de faire des modifications en masse sur l'ensemble de notre base de données. Comme il y a aussi beaucoup de travail collaboratif, beaucoup de mises à jour sont faites grâce à nos utilisateurs qui nous alertent de changements. Notre principal enjeu, c'est que, en partie grâce à nous, les industriels reformulent leurs produits. Cela implique que nous soyons le plus à jour possible dès qu'ils changent la composition d'un produit.

Qu’a changé l’intelligence artificielle dans vos processus ?

Ça a révolutionné beaucoup de choses chez Yuka. Tout le monde, à tous les postes, utilise une IA, que ce soit notre juriste, notre toxicologue... À tous les niveaux, on a regardé les cas d'usage dans lesquels ChatGPT pouvait apporter quelque chose, et de voir comment on pouvait l'utiliser pour optimiser chacun de nos postes.

On utilise aussi les API de ChatGPT pour aller faire des requêtes, pour calculer et prédire tout un tas de choses, notamment sur la base de données. Par exemple, on a un enjeu de savoir à quelle catégorie appartient un produit. C'est très important pour nous que les produits soient bien classés dans la bonne catégorie. ChatGPT est très bon là-dessus. On lui envoie une somme de données, on lui donne la liste de nos catégories, et on lui demande à quelle catégorie les produits appartiennent.


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Qu’est-ce que ça vous apporte ?

Ça nous fait gagner du temps. Ça remplace des tâches qui sont rébarbatives, qui sont pénibles, que probablement personne n'aura envie de faire. Reprenons l’exemple que je donnais sur le classement des produits : prendre les produits un par un et aller chercher la bonne catégorie, ce n'est pas la tâche la plus gratifiante du monde. Et soyons honnêtes, on a aussi comparé les résultats entre ChatGPT et l’humain. Conclusion, ChatGPT était meilleur que l’humain, son taux d'erreur était plus faible, sûrement parce que c’est difficile de surmonter l’aspect répétitif de la tâche. À l’arrivée, ça permet de nous recentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.

Chez Yuka, une « tempête » nommée Julie // © DR

Comment vous formez vos employés ?

On se forme en interne. Un de nos développeurs a organisé une formation pour toute l'équipe. Moi, j'avais organisé une séance de premier niveau : c’est quoi ChatGPT ? Comment on s'en sert ? À quoi il faut faire attention ? qu'est-ce qu'il faut toujours vérifier derrière ?… Pour ne pas avoir cette image fausse d’une IA qui va répondre à toutes les questions et ne jamais commettre d'erreurs. On essaye d’apprendre à se demander comment s'en servir, comment lui donner le plus de contexte possible, etc.

Comme ça, ensuite, l'équipe peut créer ses propres GPT sur plein de sujets. Par exemple quand les utilisateurs nous préviennent de changements dans une liste d’ingrédients, ils nous envoie une photo. On se basait jusqu’ici sur la reconnaissance optique de caractères (OCR). Ça marche bien mais il suffit qu’il y ait un reflet, un mot tronqué ou que la photo soit un peu coupée et ça ne fonctionne plus. Or, on ne peut pas passer à côté d’un additif à risques par exemple.

Alors ce qu’on fait aujourd’hui, c’est qu’on a ajouté une deuxième couche d’IA. On a créé un GPT dédié qui va compléter les listes à partir d'un OCR incomplet. On a beaucoup travaillé là-dessus pour réduire les erreurs et les résultats sont très concluants. Et ça a permis d'améliorer notre taux de fiabilité de détection de manière assez importante.

Et ça a fait gagner un temps considérable. Il faut imaginer notre service client qui reçoit une liste d'ingrédients qu'on détecte mal. Une personne va devoir retaper cette liste à la main. C’est long, c'est chiant. Aujourd'hui, il suffit d’appuyer sur un bouton et c’est automatique. Il n’y a plus qu’à faire une vérification.

Il y a eu des craintes au départ dans vos équipes ?

Avant toute chose, il faut commencer à déterminer comment on veut utiliser l’IA, à quelle tâche on le destine. Ça demande de revoir ses usages. Nous sommes une petite entreprise, donc c'est beaucoup plus facile à l'échelle de 15 personnes de repenser sa façon de fonctionner. J'imagine que dans des énormes boîtes, tout bouge lentement.

Nos employés ont très vite compris cette logique. C’est un peu normal, on est une boîte de tech. Mais c’était important de les former, de leur expliquer. Une de nos employés avait des réticences, mais c’était de la méconnaissance. Depuis, elle s’y est mise, elle a bien vu que ça pouvait lui faire gagner du temps.

Vous avez réussi à imager comment l’IA pouvait vous aider. Quand on gère une entreprise comme Yuka, comment on fait pour ne pas rater une technologie qui peut tout changer ?

On a une équipe de développeurs qui se tiennent forcément au fait de tout ça, ce sont eux qui nous disent s’il se passe quelque chose. Pour l’IA générative, on a vu assez vite que ça allait être un moment de rupture technologique. Ça n’arrive pas si souvent. Là, ça a été partout quasi du jour au lendemain.

Ce qu’on fait dans ces cas-là ? On teste. Et quand on estime que c'est fiable, qu'on peut s'en servir, on commence à l’intégrer.

Yuka en 3 engagements // ©Yuka

Même moi qui travaille sur des sujets de communication, je m’en sers énormément. Je sais que les illustrateurs craignent beaucoup d’être remplacés par l’IA. Chez Yuka, on travaille toujours autant avec les illustrateurs, et on produit beaucoup de contenus illustratifs. C’est juste ma manière de travailler qui a changé. Moi je ne sais pas dessiner, alors ça m’aide pour faire des briefs plus précis de ce que j’ai en tête et mieux guider les illustrateurs.

Yuka, vous le voyez où dans cinq ans ?

Nous, on se projette plutôt à six mois ou un an. Ça bouge tellement vite que c'est compliqué de se projeter à cinq ans. Notre mission est double. Le premier niveau, c'est d'aider les consommateurs à faire des meilleurs choix pour leur santé. Le deuxième niveau, c’est que cette force collective fasse pression sur les industriels pour les pousser à améliorer la composition de leurs produits.

En France, un tiers des Français ont téléchargé Yuka et nous avons déjà fait bouger les lignes.

Notre objectif actuel, ce sont vraiment les États-Unis. C’est pour ça que j'ai déménagé à New York aussi. On a environ 15 millions d’utilisateurs, c’est génial, mais à l'échelle des US, ce n’est pas encore assez pour avoir un impact, pour peser. Le marché est tellement grand qu'il faut qu'on arrive à accélérer encore plus. Ce qui s'est passé en France, ce qui s'est passé en Europe, on essaye de répliquer là, aux Etats-Unis. Et pour répliquer notre succès, il ne faut pas qu'on ait 15 millions d'utilisateurs, il faut qu'on en ait 50 millions.

Le travail est immense. Ce que je vois est catastrophique, les produits sont vraiment très en-dessous de la norme. Ce n’est pas rare de scanner un produit et d’avoir 20 voire 30 additifs. Et encore nous sommes à New York, c’est peut-être une des villes où l’on mange le mieux.

Et l’intelligence artificielle peut nous aider dans notre mission. Plus on touche de monde, plus on gère de produits, plus il y a un enjeu pour nous d'avoir de la donnée vérifiée, fiable. Pour changer d’échelle, on aura besoin de l’IA.

(Rendez-vous mercredi prochain pour un nouveau numéro de notre série sur l’IA. On parlera effets spéciaux…)


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