Hupster

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Par Hupster
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Faut-il répondre à la vidéo climatosceptique du Raptor ?

👉 ou comment la rédaction de Vert a répondu "oui" à cette question

🔎 Hello, en ce lundi matin, on a eu envie de revenir sur une vidéo qu’on a été nombreux à voir débouler sur nos écrans. Cette vidéo fait plus d’une heure et elle prétend dénoncer « l’escroquerie climatique ». Son auteur n’est pas n’importe qui : il s’agit du Raptor, influenceur et YouTubeur d’extrême-droite à la communauté très importante et très réactive. Il avait disparu de YouTube depuis deux ans, mais il n’avait pas disparu du paysage numérique pour autant puisqu’il continue de produire un podcast très écouté. Habitué des logorrhées délirantes, le Raptor a sorti cette fois un contenu très structuré, présenté comme une vidéo scientifique, destinée à faire passer de nombreux arguments climatosceptiques auprès du grand public.

🌳 La rédaction du média en ligne, Vert, a décidé de lui répondre point par point et d’analyser cette vidéo à la fois sur le fond et sur la forme. Un exercice qui pose de nombreuses questions : Est-ce utile ? N’est-ce pas du temps perdu ? Quel ton employer ? Comment être le plus juste possible ? A qui on s’adresse ? On a demandé à Juliette Quef, directrice éditoriale de Vert, de nous expliquer tout ça.

🧨 Au programme : 1062 mots pour 4 minutes de lecture. Enjoy ! David.


On a été alerté par notre communauté dès le dimanche soir quand il a sorti cette vidéo. De là, on nous a demandé des éléments pour répondre parce que la vidéo a circulé très vite et il y avait des gens qui commençaient à dire « Ah, t'as vu le climat en fait ? On n'est pas sûrs, etc. »

Le lundi matin, à la rédaction, on a parlé pour se demander ce qu’on devait faire. Est-ce qu'on prend le temps de répondre ? Si oui, on va passer la semaine dessus, ça va nous demander beaucoup d'énergie, mobiliser beaucoup de journalistes sur une rédaction qui reste petite. Donc en gros, est-ce qu'on fait cet investissement en temps, en énergie, en recherche ? Est-ce qu’on ne va pas y passer trop de temps. Est-ce qu'on sollicite des scientifiques pour leur demander de débunker des choses qui sont pourtant du consensus scientifique ? Ça a été un débat entre nous.


UN MOT DE NOTRE SPONSOR


On l'a fait pour plusieurs raisons. Parce qu'il a une très grosse audience, 700 000 abonnés sur YouTube. Il y a toujours la question de savoir si on allait contribuer à la visibilité de la vidéo. Mais en réalité, il n'y avait pas besoin de nous pour ça. J'ai essentiellement pensé à notre communauté, pas forcément à ceux qui croient le Raptor, qui sont déjà dans cette mouvance, mais à notre public qui se sent démuni et désespéré quand il voit circuler ce genre de vidéos. Notre idée, c'était d'outiller les lecteurs de Vert, de leur fournir un article “ressources” pour qu'ils soient en capacité d’en parler autour d’eux et d’avoir des éléments de réponse concrets.

Ce que j'ai trouvé hyper intéressant dans cette histoire, c'est de travailler le type d’arguments qui sont utilisés, mais aussi quelles méthodes, quels éléments rhétoriques il emploie. Il a fait vraiment le bingo de toutes les techniques climatosceptiques possibles. C’est pour ça qu’on a eu envie de répondre sur le fond et sur la forme.

Le Raptor utilise 90% d’éléments qui sont vrais, qui expliquent le fonctionnement du réchauffement climatique. Ainsi il semble apporter énormément de preuves. Mais il y a toujours un glissement, un argument qui ne va pas, un raccourci, des éléments de bascule rhétorique qui amènent à de fausses conclusions. Si la conclusion n'est pas bonne, tout le raisonnement est faux. C'est ça qui peut être difficile à saisir, notamment parce qu'on est complètement noyé dans cette vidéo. C’était important de décrypter cette partie-là.

On a travaillé à trois dessus, Justine Prados, Loup Espargilière et moi. On a regardé tous les trois la vidéo en entier, on a commencé à lister les arguments qui nous paraissaient les plus essentiels à débunker. On a chacun fait une liste et on a travaillé sur un document commun, de façon à se répartir ensuite les réponses. On s'est réparti aussi des scientifiques à contacter. On a contacté quatre scientifiques différents, dont trois du GIEC. Le but, c'était de répondre sur le plan scientifique avec des éléments extrêmement tangibles mais de retrouver aussi dans les rapports, dans les études, des graphiques, des éléments qui permettent de contre les arguments du Raptor. Cela impliquait un gros travail de recherches.

C’est compliqué, il faut répondre assez vite pour ne pas laisser trop le terrain, mais pas trop pour répondre de manière étayée. Nous n’avons pas pu sortir notre réponse avant le jeudi soir.

Pas du tout. Il y avait un débat super intéressant dans la communauté scientifique avec une idée qui a circulé un peu dès le début. Certains scientifiques nous ont dit qu'il fallait que ce soit des humoristes qui répondent tellement ça leur semblait absurde. Ce n’était pas une bonne idée selon nous, parce que la vidéo du Raptor n’est pas une vidéo humoristique. Il affirme les choses avec beaucoup de sérieux. Donc pour nous, il fallait répondre avec le même sérieux, le même fond. C'était aussi une manière de respecter son public à lui. C'est-à-dire qu'on ne les considère pas comme des clowns, mais comme des gens potentiellement manipulés par ses arguments. Il faut respecter ce public qui se pose beaucoup de questions et qui cherche des réponses.

Je comprends leurs réticences, mais c’est là où nous n’avons pas les mêmes fonctions entre scientifiques et journalistes. Moi, ça me fait totalement partie de mon travail. En tant que journaliste, je considère que s'il y a de fausses informations qui circulent, il faut le débunker.

On a donc ouvert notre carnet d’adresses et on a fini par trouver quatre scientifiques dans des spécialités différentes qui ont accepté de répondre à nos questions.


Nous sommes face à une vidéo très structurée. Il faudrait essayer de savoir pourquoi il a fait cette vidéo, par qui il s’est fait aider et est-ce qu’il s’est fait payer pour ça… Cela nécessiterait une enquête très approfondie que nous ne sommes pas en mesure de faire.

J'ai déjà eu des super retours de notre communauté, qui a remercié d’avoir fait ce travail. J'en ai fait une chronique sur France Inter pour le diffuser de manière beaucoup plus large.


UN MOT DE NOTRE CHAÎNE YOUTUBE

Cette semaine, pour notre grand entretien, on vous propose un face-à-face avec le plus Français des chefs colombiens : Juan Arbelaez. De Top Chef à Quotidien en passant par Instagram et ses influences, il nous parle du métier de chef en 2024 (qui est aussi celui de créateur de contenus). On a adoré discuter pendant une demi-heure avec Juan, si ça vous intéresse, c’est ici.