Hupster

Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
18 déc. · 3 mn à lire
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👀 Philippe Collin, quand Radio France fait du Netflix

👉 Ou comment le podcast audio historique passionne les foules

☕️ Hello, on ne va pas se cacher : on adore les grandes fresques historiques que produit Philippe Collin pour France Inter. Si on laisse de côté notre fan attitude pour analyser objectivement ce phénomène, on se rend compte que l’homme de radio a «craqué» quelque chose. Il a trouvé la «secret sauce» du podcast natif, c’est-à-dire un podcast pensé pour la seule baladodiffusion. Il aurait pu se contenter de faire de la radio mais il a donné ses plus lettres de noblesse au podcast de l’audiovisuel public. 

📻 Alors que vient de sortir sa dernière série sur Alfred Dreyfus, on a eu envie de décortiquer les raisons d’un succès.

💥 Au programme : 1 128 mots pour 6 min de lecture. Enjoy, David !


Notre récit commence en décembre 2020. Laurence Bloch qui dirige alors France Inter propose à Philippe Collin d’imaginer une grande série en podcast consacrée à Napoléon, à l’occasion du bicentenaire de sa mort. La patronne a du flair et l’homme a deux qualités : il est déjà un excellent professionnel de la radio et il est historien de formation. Philippe Colin accepte. Certains pensent que c’est une erreur. Lui sait que c’est une chance, une opportunité comme il en a rencontrées d’autres dans son existence.

Sa force, c’est déjà d’avoir su ce qu’il ne voulait pas faire : devenir ingénieur comme ses parents le souhaitaient. Il s’inscrit en fac d’histoire, à Brest, obtient une maîtrise d'histoire contemporaine consacrée à l'épuration des collaborateurs à la Libération, en 1997.

Au hasard d’un festival de cinéma où il bosse comme bénévole, il rencontre des journalistes parisiens, comme Gérard Lefort, le critique cinéma de Libération, qu’il continue de côtoyer en faisant son service militaire à Paris. Il finit même par faire plus que les côtoyer puisqu’il intègre cette petite bande de gens talentueux et prometteurs.

Attention, l’histoire ça pique !

Il met alors un premier pied à France Inter en 1999 en travaillant pour l’émission de Gérard Lefort. Et sa carrière se met en marche. Le temps de se faire la main puis la voix et Philippe Collin devient le roi des émissions décalées mais pertinentes : on citera le mythique « Panique au Mangin Palace » présenté avec Xavier Mauduit et le sous-estimé « L’œil du Tigre » où tous les dimanches, il parvient à renouveler la manière de raconter le sport. A chaque fois, il apporte une touche d’originalité qui fait du bien à Radio France.

Déjà aussi, il s’intéresse à des pans parfois oubliés de notre Histoire. Ainsi en 2018, il publie une bande dessinée sur les « malgré nous », ces Alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande (et parfois au sein des SS). Déjà le goût de remettre l’histoire sur de bons rails et de nous rappeler quelques évidences à ne pas oublier.

Et nous voilà donc fin 2020. Philippe Collin se consacre plusieurs mois à son Napoléon et c’est un succès. À tel point qu’il décide d’abandonner l’antenne comme on dit, et de se consacrer au podcast.

Parce que sa décision est un choix. Le choix de s’emparer de ce média et d’en faire quelque chose de différent. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bons podcasts natifs sur Radio France. Ça veut dire que lui va travailler l’écriture de son format pour en faire une signature.

Ça n’a rien d’évident. Les journaux racontent que certains collègues de Collin voient dans ce « mercato » une mise au placard. Parce qu’il y a toujours ce réflexe de penser que si c’est pour Internet, alors c’est forcément moins noble que pour l’antenne. Alors que, pour qui sait voir l’opportunité que cela représente, il s’agit bien d’une promotion.

Le podcast n’est en rien une révolution de l’écriture radiophonique. En revanche, c’est l’occasion de créer des formats qui rencontrent un nouveau public. Et de créer une relation à la fois fidèle et passionnée. Là où c’est différent de la radio, c’est que ça ne s’écoute pas de la même manière. La matinale, on peut arrêter de l’écouter pour prendre sa douche et reprendre plus tard. Sans même avoir besoin de réécouter le replay. Le podcast requiert plus d’attention. Et chaque auditeur se mérite : il doit faire le geste de s’abonner. Mais une fois qu’il est là, il vous est fidèle.

Ce que va faire Philippe Collin, c’est trouver une écriture, un style qui lui est reconnaissable. Et il va renouveler un genre : celui du récit historique.


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Parce que la rigueur sur le fond (hormis une erreur sur Jean-Marie Le Pen dans la série qui lui est consacrée) s’accompagne d’une mise en narration avec des codes devenus sa marque de fabrique. Tous les récits sont chronologiques mais ils sont parsemés de gimmicks et de passages obligés qui permettent de provoquer du suspense, de la dramaturgie, de la tension, de créer un chemin familier pour les auditeurs. Philippe Collin prend le temps de résumer, de fabriquer des repères, de souligner, de surligner même certains moments ou protagonistes de son histoire. Ça pourrait faire prof, mais c’est plutôt comme si Alain Decaux rencontrait Netflix.

New banger in town

Le choix des sujets aussi explique le succès. Après des Napoléon ou des Cléopâtre, Philippe Collin comprend qu’il vaut mieux dresser le portrait de personnages dont on peut ressentir l’importance et l’impact aujourd’hui. Et avoir des voix de témoins et des archives plus proches de nous. Se sont succédé depuis Simone de Beauvoir, Philippe Pétain, Céline, Léon Blum, le général Leclerc, et dernièrement Alfred Dreyfus. Que des histoires qui finissent par s’imbriquer, par se répondre pour former le grand tout de notre histoire collective. Que des histoires dont on se dit « ah oui, j’avais oublié ça », « ah non, ça je ne savais pas ». Une sorte d’épiphanie pour les auditeurs qui ont à chaque fois, l’impression d’être un peu moins ignorant, davantage capable d’imbriquer entre eux des moments forts de notre passé.


UN MOT DE NOTRE CHAÎNE YOUTUBE

On reçoit cette semaine un monument, une personne impossible à interviewer, qui a connu les grandes heures de la télé et qui est aujourd’hui créateur à part entière sur les réseaux et même en podcast. Entretien sans filtre non pas avec le sniper, mais avec le YouTubeur Laurent Baffie (et on a même une petite surprise à la toute fin de l'interview). Le tout est à voir juste ici.