Hupster

Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
19 sept. · 2 mn à lire
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Bienvenue dans l'économie de la déception

👉 ou comment les marques finissent par rendre les consommateurs irrationnels

🔎 Hello. Un peu de sérieux en ce jeudi, on se pose un instant et on réfléchit ! L’essor de l’économie numérique est allé de pair avec un concept né avec elle: l’économie de l’expérience. En gros, les marques veulent vous proposer l’expérience la plus riche possible, pour vous garder pour elles et pour vous faire payer le plus cher possible. Tout ça on connaît, les curseurs ont été poussés un peu loin et on voit apparaître le revers de la médaille. On avait envie de vous décrypter tout ça.

🧨 Au programme : 582 mots pour 3 minutes de lecture. Enjoy ! David.


D’un concept qui caractérise les fondamentaux actuels du monde digital: on ne parle plus de produits ou de services, mais d’expériences. L’économie de l’expérience théorisée en 1998 s’est développée avec l’essor du numérique auprès du grand public. En même temps, ils étaient faits pour s’entendre.

Cela suppose aussi de nouveaux types de relations entre la marque et son client à qui l’on promet des échanges fluides, personnalisés, qui créent de la « valeur ». Des interactions les plus fluides possibles qui tendent également vers le temps réel, comme tous nos modes de communication aujourd’hui. Et c’est en temps réel encore que les marques doivent suivre l’évolution des modes et des usages pour répondre et si possible, anticiper les attentes.

La tête que fait Tim Cook à chaque fois qu’il prononce le mot « experience »

Dans ce système, on ne valorise plus l’achat ou la possession mais l’usage personnel et collectif. On ne vend plus de disques mais un «accès» à une bibliothèque musicale illimitée ; on ne vend plus de nuits à l’hôtel mais un «séjour» chez un particulier ; on ne vend plus un voyage mais une «expérience» à l’étranger ; on ne vend plus une place de concert mais un «moment à partager», un futur souvenir…


UN MOT DE NOTRE SPONSOR


Parce qu’on voit de plus en plus de déséquilibres manifestes entre les expériences proposées et les satisfactions qu’on peut en retirer. Et bien souvent, c’est le prix qui est en cause. Et même plus que le prix, c’est le sentiment d’avoir payé trop cher pour ce qu’on a vécu.

L’offre et la demande restant le cadre global, il est logique que plus l’expérience proposée est unique, plus elle se monnaye. Tout va bien, si on peut parler ainsi, tant que le consommateur a l’impression de payer le prix le plus juste. Mais tout se dérègle quand il ne comprend pas le prix qu’on exige de lui.

C’est ce qu’on a vu apparaître avec la mainmise de LiveNation et de TicketMaster sur l’organisation et la vente de billets de tournées géantes, comme Taylor Swift ou plus récemment Oasis. D’autant que s’ajoutent à ça des outils comme la tarification dynamique qui ajustent en temps réel les prix aux variations de la demande. Et ça, les consommateurs n’aiment pas quand ils ont l’impression de se faire avoir.

Parce qu’à force de faire grandir les attentes (et les prix), le retour du bâton se rapproche.

À ce sujet, The Hustle s’est livré à une expérience intéressante. Il a interrogé 350 personnes qui ont déclaré avoir dépensé de l'argent pour une «expérience» au cours des deux dernières années. Il en ressort que plus d’un tiers ont déclaré que la dite «expérience» avait été au moins un peu décevante en raison du coût. C’est beaucoup quand on sait combien il est dur de faire revenir un client déçu.

Mais aussi, cela pousse à un arbitrage. C’est ce qu’on appelle l’angoisse de l’expérience : quand le sentiment d’avoir payé trop cher surgit, on compare ce prix avec ce qu’on aurait pu acheter avec. Et pas sûr que la prochaine fois, l’arbitrage aille dans le même sens.

L’économie de l’expérience a oublié en route qu’une telle équation ne repose pas seulement sur la promesse de ce qu’on va vivre. Les consommateurs se demandent à la fois s’ils en ont envie et si ça vaut le coup. Et à force de vouloir faire vendre plus que ce qu’on promet et ce que le client peut se permettre, nous allons entrer dans l’économie de la déception.

Les plus à risques dans cette histoire, c’est bien évidemment TicketMaster dont on a l’impression qu’il cherche systématiquement à s’approcher de plus en plus du point de bascule. Mais aussi AirBnB car maintenant que la plateforme ne joue plus sur les prix, comme on l’a expliqué la semaine dernière, elle s’est délibérément placée sur le terrain de l’expérience. Mais là, elle retrouve la concurrence qu’elle avait voulu ringardiser. Uber aussi n’est pas épargné. Lui aussi est aussi cher que les taxis et ce n’est pas l’expérience qu’il propose qui peut faire la différence.

Mais surtout, on rajoute dans l’écosystème global, une couche d’irrationnel qui, en économie, revient à jouer avec le feu.


UN MOT DE NOTRE CHAÎNE YOUTUBE

On a pu discuter pendant une quinzaine de minutes avec un grand patron à la tête d’une entreprise qui fait 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires : IKEA. Pendant ce face-à-face avec Jesper Brodin, on a parlé marketing, histoire, management, écologie et c’est à retrouver sur notre chaîne YouTube.