Hupster

Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
25 sept. · 4 mn à lire
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Pourquoi ça marche Y Combinator ?

👉 Ou comment THE incubateur de startups de la Silicon Valley a imposé son modèle et sa vision du business

🔎 Hello, on va vous raconter comment est né le monde de la start-up tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec ses valorisations faramineuses et ses fondateurs tout-puissants. L’origine de tout ça a un nom : Y Combinator.

Pour vous donner une idée de ce que représente Y Combinator (YC), on peut citer les startups que cet incubateur a fait émerger : Airbnb, DropBox, Stripe, Reddit…. On peut aussi tenter la métaphore musicale : YC a été à la start-up de la Silicon Valley ce que Steve Albini a été au grunge ou Dr. Dre pour le rap : elle a permis de faire éclore le meilleur dans son domaine. Et en inventant une méthode souvent copiée, mais jamais égalée, elle a toujours partagé le succès qu’elle a initié, sans perdre de son aura…

Pourquoi une telle longévité ? Qu’est-ce que cet accélérateur de startups à risques a apporté de nouveau à l’écosystème ? Comment a-t-il réussi à ne pas être victime de son succès ? C’est ce qu’on va essayer de comprendre avec cette saga qui raconte comment une «expérience» est devenue un modèle appliqué partout.

💥 Au programme : 1 418 mots pour 6 minutes de lecture. Enjoy, David !

Juste avant de vous plonger dans notre question du jour, on voulait vous soumettre un petit questionnaire pour apprendre à mieux vous connaître, vous, nos chers abonnés. Ça prend (à peine) 1 minute et c’est juste ici. Merci d’avance et bonne lecture.


Comme toujours dans ce genre de saga, il faut remonter à l’« origin story ». Soit deux personnes qui marchent simplement dans la rue pour rentrer d’un dîner, à Boston, un soir de mars 2005. Ce couple, c’est Paul Graham et Jessica Livingston.

Elle travaille dans une banque d’investissement mais s’y ennuie. Elle voudrait intégrer un fonds de capital-risque, mais tout va trop lentement à son goût. Lui a fait fortune en créant en 1995 ViaWeb (application web qui permettait de créer des sites marchands notamment) puis en le revendant trois ans plus tard à Yahoo (quand Yahoo était le Google de l’époque). Depuis, il essaie de jouer les business angels mais il n’arrive pas à se lancer, il lui manque quelque chose. L’homme a un parcours plus qu’étonnant, surtout vu de France: il possède à la fois une licence de philosophie et un doctorat en informatique, un cursus qui l’aide probablement à voir les choses un peu autrement que les autres. Tout comme Jessica, il s’ennuie. Il vient de donner une conférence sur la manière de lancer une start-up mais il sait qu’il lui manque une brique.

Mais « why » un tel nom…? (vous l’avez, j’espère…)

Alors en chemin, tous les deux identifient tout ce qui ne fonctionne pas : les investisseurs devraient miser moins mais plus souvent, ils devraient se décider plus vite, ils devraient financer des hackers plutôt que des diplomés d’écoles de commerce, et être prêts à aider des entrepreneurs plus jeunes…

En arrivant chez eux, la décision est prise : plutôt que d’attendre que les autres changent, ils vont lancer leur propre fonds. Paul fait appel à deux amis, dont Robert Morris avec qui il avait fondé ViaWeb. À tous les quatre, ils mettent 200.000 dollars au pot. Tous partagent le même constat. A ce moment de la saga, ils n’ont pas encore la méthode qui va faire la différence; mais ce n’est qu’une question de temps.

La suite va être un mélange d’expérience et d’opportunisme. Pour qu’Y Combinator soit un fonds d’amorçage différent des autres, il leur faut trouver un mode de fonctionnement qui leur permette de repérer les jeunes pousses avant tout le monde et de leur proposer un cadre épanouissant. Sur tous les plans. Celui des idées et celui de l’argent.

—> Amorçage contre capital

Pour mettre en place ce schéma financier où chacun s’y retrouve, Paul Graham et Robert Morris vont s’inspirer de ce qu’ils ont vécu en lançant ViaWeb. À l’époque, un ami leur avait prêté de l’argent en échange de 10% de l’entreprise. Une fois ViaWeb revendu à Yahoo, tout le monde s’était dit qu’il avait fait une bonne affaire. C’est donc ce modèle qu’YC va proposer à chaque start-up : 125.000 dollars de financement d’amorçage en échange de 7% de son capital. Il n’y aura pas d’exception, tout le monde est logé à la même enseigne.

—> Un campus permanent

Pour trouver le bon mode de fonctionnement, c’est le chaos des débuts qui va fixer une des principales règles d’YC : travailler avec des groupes de startups en même temps, dans un même lieu. Au départ, les associés ne savent pas trop comment s’y prendre alors ils décident d’organiser une sorte de test avec un campus d’été et quelques startups pour à la fois comprendre comment ils peuvent les aider et ce qu’elles attendent de leur côté. Sans espoir de gagner de l’argent, il s’agit d’un coup pour voir. De l’extérieur, personne ne les prend au sérieux.

Mais ce coup d’essai se transforme en coup de maître. Les startups sélectionnées s’avèrent être des pépites et l’immersion ensemble durant plusieurs semaines créent les échanges que les fondateurs d’YC attendaient. Ça sera donc ça leur modèle : des sessions collectives et immersives où tout le monde se «challenge» pour faire avancer ses idées et son BP…

Et c’est toujours comme cela que cela fonctionne aujourd’hui, les startups arrivent à YC avec de l'ADN brut. Elles sont immergées dans un huis clos où on les fait progresser sur tous les aspects de leur projet avec un mentorat personnalisé intensif. Jusqu’à ce qu’il soit présentable à des investisseurs. Et c’est là une autre brique fondamentale.


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Chaque session (il y en a 2 par an) se termine par une Demo Day : les fondateurs des startups ont une minute pour se présenter devant un parterre d’investisseurs potentiels. L’exercice est difficile mais il fait partie des apprentissages de cette formation intensive. Et la réputation de dénicheur de pépites d’YC attire toujours de gros clients. Tout ne se signe pas à ce moment-là, mais cette journée est le point de départ de conversations qui se terminent souvent par des levées de fonds conséquentes.

Ce qu’a construit au fil des ans YC, c’est un carnet d’adresses vertigineux dans le monde des affaires. Pas seulement pour les « Demo Days ». Wired raconte notamment comme tous les mardis soir, toute la classe se réunit dans la salle à manger autour de burritos ou de spaghettis à la bolognaise pour assister à des conférences données par des invités comme Mark Zuckerberg, Marissa Mayer et Al Gore.

Là où Y Combinator a changé les choses durablement et mondialement, c’est dans la manière dont on perçoit les fondateurs de startups. Ils sont devenus les personnages centraux de l’économie numérique. Et ce ne sont plus forcément des chefs d’entreprise sortis d’écoles de commerce, ce sont des hackers, des artistes, des athlètes, des influenceurs… Et il est vrai qu’on mise désormais parfois plus sur eux que leurs projets, un pari sur la personne.

Tout cela est dans les gênes d’YC puisque le portrait robot de fondateur se retrouve dans ceux qui ont créé cette boîte. Et il est intéressant de relever que celui qui a pris la suite de Paul Graham en 2014 n’est autre que Sam Altman...

Paul Graham pose avec « ses » founders

Mais si Paul Graham est retiré des affaires, cela ne l’empêche pas d’avoir son mot à dire sur son « héritage ». La preuve avec ce texte récent, justement sur le rôle des fondateurs dans leur entreprises, face aux managers. Là où on incite à déléguer, lui préfère un créateur d’entreprise qui sait tout, qui surveille tout et qui s’intéresse à tous les aspects de sa boîte. Bon, c’est oublier bien vite qu’un Steve Jobs avait un Tim Cook.

Finissons quand même par les questions que pose ce modèle. Certes, il a permis de poser un cadre innovant pour le financement de jeunes entreprises et d’ajouter de l’audace dans tout ça. Ça a déjà servi YC en premier lieu puisque l’évaluation totale des entreprises qui sont passées par cet incubateur se compte en centaines de milliards de dollars.

Mais les résultats obtenus ont aussi créé une frénésie parmi les investisseurs qui cherchent désespérément à en être. De nombreuses entreprises YC obtiennent un financement bien avant le Demo Day, et certainement avant d'avoir prouvé leur viabilité. Et ça, ça peut créer une bulle en provoquant l’effet inverse de celui voulu par YC. Au lieu de permettre des investissements et des risques éclairés, tout cela pousse à investir comme un coup de loterie, en misant sur le flair d’YC et de peur de rater le prochain Google.

Il semble difficile de comprendre comment une entreprise qui ne gagne pas d’argent peut valoir un milliard de dollars. Le raisonnement pratique est pourtant simple : si une entreprise a 1 % de chance de valoir 100 milliards de dollars, elle vaut alors environ un milliard de dollars. Une start-up doit désormais convaincre qu’elle a ce potentiel. Et ça c’est ce qu’YC leur apprend à faire.


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Cette semaine, pour notre grand entretien, on vous propose un face-à-face avec le plus Français des chefs colombiens : Juan Arbelaez. De Top Chef à Quotidien en passant par Instagram et ses influences, il nous parle du métier de créateur de contenus. On a adoré discuter pendant une demi-heure avec Juan, si ça vous intéresse, c’est ici.