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Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
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Hoka, du laid sur le feu

👉 Ou comment des chaussures moches nées sur un volcan font de l’ombre à Nike

🔎 Hello, on vous emmène cette semaine sur des dénivelés improbables pour vous raconter l’histoire de la plus successfull des chaussures de sport française : Hoka.

👉 Où l’on apprend que ce sont les parents qui dictent la tendance à leurs enfants

🧨 Au programme : 1 331 mots pour 6 minutes de lecture.
Enjoy ! David.

👀 Hoka, du laid sur le feu

Jean-Luc Diard et Nicolas Mermoud ont fait exactement TOUT ce qu'il ne faut pas faire : en pleine crise économique mondiale, ils ont lancé depuis la France un produit textile dans un marché hyper saturé par des marques iconiques.

Et en plus, leur produit était moche.

SAUF QUE…

Sauf que tous les deux étaient persuadés qu’ils avaient l’idée qui allait changer la manière de courir et donc le marché de la chaussure de sport. C’est une chose de le savoir. C’en est une autre d’y parvenir. Et en moins de 10 ans.

Désormais, Hoka est partout. On peut la voir aussi bien sur tous les dénivelés du mythique Ultra Trail du Mont-Blanc qu’aux pieds de Reese Witherspoon ou Harry Styles.

Comment ces deux chômeurs ont réussi leur coup ? C’est l’histoire que je vais vous raconter.


1. Une inspiration “Oversize”

Hoka sur gazon (vous l'avez ?) // Crédits : GettyImagesHoka sur gazon (vous l'avez ?) // Crédits : GettyImages

Jean-Luc Diard et Nicolas Mermoud ne sortent pas de nulle part. Tous les deux ont bossé dans les années 90 et 2000 chez Salomon. Jean-Luc Diard en a été le PDG et Nicolas Mermoud le directeur marketing.

Salomon est alors surtout connu pour ses skis, une activité plus vraiment rentable au tournant du millénaire. Au détour d’un rachat de l’entreprise, les deux hommes se retrouvent sans emploi. Mais ils ont deux convictions :

A. le sport outdoor va exploser.

B. les chaussures de l’époque ne sont pas adaptées à la course en montagne.

La révélation, car il en faut une dans toutes les bonnes histoires, les deux amateurs de course vont l’avoir en dévalant les pentes de l’Etna.

Nous avions vingt heures de course dans les pattes, mais nous avons tous vécu cette descente sur de la pouzzolane, la roche volcanique, comme un moment magique : l’impression de voler. On est rentrés avec l’envie de retrouver ces sensations.

Nicolas Mermoud, dans Capital

👉 Traduction : aller plus vite dans les descentes ; réduire les traumatismes pour les articulations et les muscles dans les montées…

👉 Action : repenser la conception de la semelle, en s’inspirant des skis larges, des VTT de descente à gros pneus et des sièges baquet des Formule 1.

Les premiers prototypes et leurs semelles plus épaisses que la moyenne arrivent début 2009. Le résultat est à la hauteur de leurs exigences : la chaussure propulse beaucoup mieux le pied et l’amorti est sans comparaison. Tout en étant plus légère que les concurrentes.

Quant au nom, ça sera Hoka One One, qui voudrait dire en maori « voler sur terre ». Tout est prêt pour le succès.

Mais dans les faits, il faudra attendre un peu : le monde n’est pas encore prêt.


2. C’est dur d’être en avance sur son temps

Hoka'ddiction // Crédit : GettyImagesHoka'ddiction // Crédit : GettyImages

Hoka doit affronter deux problèmes.

A. Le minimalisme.

Tous les amateurs de course à pied ne parlent que d’un livre qui devient leur bible : Born To Run, de Christopher McDougall. L’auteur va courir avec les membres d’une tribu du Mexique à l’endurance sans limite. Et à l’équipement inexistant puisqu’ils courent pieds nus ou avec de simples sandales à semelle très plate.

L'exact inverse des Hoka. Et de nombreux coureurs veulent toucher à ce dépouillement ultime. Quitte à se ruiner les articulations.

B. L’esthétique.

Dans la tête d’un coureur, le podcast référence du monde du running, raconte :

Très vite, on compare cette chaussure à des chaussures orthopédiques pour personne âgée, ce qui est très loin de l'image moderne et high-tech que voulaient donner les créateurs. Les rares coureurs qui l’adoptent doivent souvent faire face à la moquerie. C’est un coup dur pour les créateurs, à qui on reproche d’avoir conçu des chaussures pour marcher sur la lune et non pour courir.

Dans la tête d’un coureur

Seule solution pour Hoka : assumer et revendiquer ses choix et ses différences. Et même en rajouter en choisissant des couleurs criardes et visibles.

Au fond, la question posée par ces deux problèmes va être vite résolue. Celles et ceux qui se moquent changent systématiquement d’avis le jour où ils les essayent. Là, ils comprennent enfin : le haut niveau est conquis.

La commercialisation auprès du grand public s’annonce périlleuse.


3. Le coup d’orteil du destin

Ludovic Pommeret, l’homme qui a laissé Quechua pour Hoka // Crédits : Ludovic Pommeret (Facebook)Ludovic Pommeret, l’homme qui a laissé Quechua pour Hoka // Crédits : Ludovic Pommeret (Facebook)

C’est encore [de la vérité] du terrain que va venir la lumière. Durant la Diagonale des Fous, un ultra-trail de 165 kilomètres sur l’île de la Réunion, une des stars de ce sport, Ludovic Pommeret, galère sur le parcours. Sponsorisé par Quechua, il troque ses chaussures habituelles en pleine course pour des Hoka et… termine 2e de la course.

Cette remontada et l'anecdote du changement de chaussures feront la Une de toute la presse spécialisée et apporteront un coup de projecteur inespéré à la marque.

Dans La Tête D’Un Coureur

Et là, c’est parti.

Comme il suffit d’essayer la Hoka pour qu’elle soit adoptée, les deux créateurs vont la faire tester à un maximum de coureurs, parrainer quelques stars de la discipline, sponsoriser de nombreuses petites compétitions. Pas les grosses, trop chères. Mais les locales qui brassent déjà tellement de pratiquants. Impact maximal pour un coût minime.

On repense à la chaîne de télé de L’Équipe qui a explosé en diffusant le biathlon dont personne ne voulait au moment où Martin Fourcade devenait une star.

Dernier étage de la fusée : attaquer l’incontournable marché américain et ses 40% de parts du marché mondial du running. Pour cela, ils se font distribuer dans la chaîne de revente de référence des USA et voilà Hoka connue dans le monde entier.

Cela aura pris deux ans.

Et en 2013, la marque est rachetée par le groupe Deckers Outdoor Corporation qui possède déjà la marque UGG.


4. Une course de fond et de darons

Depuis ces débuts tonitruants, Hoka n’a cessé de grandir. En 2022, selon Bloomberg, Hoka a dépassé Nike, Adidas, New Balance et Converse pour devenir la deuxième marque de chaussures de sport la plus vendue sur StockX, le site de référence de vêtements streetwear. Une manière de rappeler à Nike que celle-ci n’a pas innové depuis bien longtemps.

Le positionnement d’Hoka reste atypique. La marque a diversifié ses modèles, s’est intéressée à d’autres sports, parraine des courses de premier ordre comme l’UTMB et s’attaque au segment du lifestyle.

Mais elle garde cette particularité que pour le coup, ce sont les parents qui font découvrir la marque à leurs enfants, comme le raconte le New York Times. Quand le besoin de confort accru par la période post-Covid devient tendance.

Signe des temps, tous les concurrents d’Hoka ont désormais un modèle moche qui ressemble à une Hoka. Il est loin le temps des moqueries.


PS : Ça ne m’arrive jamais mais cette histoire m’a tellement donné envie que je suis allé m’acheter une paire de Hoka pour aller courir dans la moyenne montagne à côté de chez moi. On en reparle.

Note du service marketing : si tu abonnes 500 nouveaux lecteurs, on te permet de gagner une paire de Hoka.


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