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Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
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Pourquoi ça marche Canva ?

👉 Ou comment une petite startup australienne a réussi à se faire connaître dans le monde entier.

🔎 Hello, je vous propose aujourd’hui de vous plonger dans l’histoire de Canva. Car cette saga, c’est l’occasion de constater qu’on peut réussir à bâtir une licorne mondiale en dehors de la Silicon Valley, même si c’est compliqué comme on va le voir. C’est aussi comprendre qu’une bonne idée, c’est d’abord une idée qui résout un problème qui concerne beaucoup de monde.

💥 Au programme : 1 411 mots pour 7 minutes de lecture. Enjoy, David !


Notre héroïne du jour s’appelle Melanie Perkins. Au début de cette histoire, on est en 2007, et Mélanie Perkins est une jeune étudiante de Perth, sur la côte ouest de l’Australie. Parallèlement, elle travaille comme professeur pour des étudiants en graphisme et leur enseigne des logiciels comme Photoshop ou InDesign. Et elle est confrontée à un problème, assez récurrent à cette époque : il est difficile de maîtriser ce type de logiciels. Melanie ne pense pas que les étudiants sont nuls mais que les logiciels le sont.

Ce dont elle est certaine, c’est que ce problème est global, que le résoudre pourrait aider beaucoup de monde. Et qu’il faut faire simple ! A cette époque, quand elle veut réaliser une affiche avec ses étudiants, il faut composer son image dans un logiciel type Adobe, le convertir à la bonne taille, puis en PDF, et apporter le fichier dans un magasin pour imprimer le résultat final. Beaucoup de manipulations à l’heure où Internet s’impose partout.

One girl, one brand

Elle a une intuition (Et pourquoi pas, se dit-elle, pouvoir tout faire de manière collaborative avec un seul outil en ligne ? Un google doc du design ?). Cette intuition deviendra Canva.

Mais à ce moment-là, Melanie n’a pas encore les moyens de parvenir à ses objectifs. Il est trop tôt et c’est un trop gros morceau. Alors son intuition, elle va l’appliquer à une seule petite part de cet énorme gâteau. Elle identifie un petit marché de niche qui pourrait coller : les annuaires scolaires. Généralement, ce sont des étudiants bénévoles qui s’en occupent et c’est une horreur à faire.

Melanie Perkins monte une boîte, Fusion Books, et embauche quelques freelances pour créer un site web en Flash qui permet, comme elle l’imaginait, de tout faire à partir de ce seul outil. Et ça marche. La jeune femme qui travaille depuis le salon de sa mère met ses études entre parenthèses et se consacre à son entreprise qui finit par travailler avec 400 écoles, y compris en France. Tout cela valide l’intuition de départ.

Pour aller plus loin, il faut passer en mode startup. Mais comment on fait quand on est loin des investisseurs pour attirer leur attention ?

Pour trouver le moyen de financer son idée et transformer Fusion Books en Canva, Perkins va faire preuve de beaucoup d’abnégation et d'imagination. Elle va même se mettre au kite-surf. Quel rapport vous me direz ? Et bien, il se trouve que c’est par ce biais qu’elle va rencontrer un important financer en capital-risque de la Silicon Valley qui va lui ouvrir les portes dont elle a besoin.

L’investisseur s’appelle Bill Tai et c’est le genre de personnage à avoir soutenu Zoom ou TweetDeck. Il se trouve qu’il est fan de kite-surf et qu’en 2011, il se rend à Perth pour juger un concours de startups. L’occasion d’apprendre à aller jouer dans les vagues et de se faire inviter à une soirée avec lui et présenter leur idée. Ce que Melanie et son compagnon, qui la suit dans cette aventure depuis le début comme associé, parviennent à faire.

Bon, ils repartent sans promesse mais avec la possibilité de rencontrer les investisseurs dont ils ont besoin pour essayer de les convaincre. Bill Tai invite Melanie Perkins à venir sillonner la Silicon Valley pour y vendre sa plateforme tout-en-un. Elle y fait beaucoup de rencontres qui lui permettent d’affiner son concept au fil des remarques mais ne récolte que des refus dans un premier temps. Jusqu’à ce qu’elle fasse la rencontre du cofondateur de Google Maps et de Google Wave, Lars Rasmussen. Lui, il comprend le potentiel de Canva et lui donne un conseil. Si elle le suit, lui-même sera prêt à investir : il faut étoffer l’équipe technique. Ça n’a l’air de rien mais cela prendra un an avant de trouver et de recruter la pièce manquante à l’équipe qui va tout débloquer : Cameron Adams, un ancien de Google.

La prophétie de Rasmussen se réalise : en 2012, l'entreprise réunit la somme de 3 millions de dollars pour se développer : 1,6 million de la part d'investisseurs et 1,4 million de dollars de la part du gouvernement australien.

Il faut attendre un an avant que l’outil voit enfin le jour. Melanie Perkins a alors 26 ans, elle est la PDG de Canva et elle va tout casser. Mais pas au tout début.


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À ce moment-là de l’histoire, nous sommes en août 2013. Canva s’apprête à être mis en ligne. Les équipes techniques sont sur les rangs à Sydney où l’entreprise s’est installée, prêtes à faire face à l’afflux d’inscriptions et à veiller toute la nuit, décalage horaire avec les USA oblige. Mais il ne se passe pas grand-chose ce premier jour. Tout le monde est déçu. D’autant qu’il y a quelques critiques négatives au départ. Ça ne va pas durer.

Dès le premier mois, Canva rassemble 50 000 utilisateurs. Pas mal. Et au bout d’un an, ils sont déjà 600 000. Et 3 nouveaux millions de dollars supplémentaires. La croissance s’accélère: 6 millions d’utilisateurs à travers le monde en 2015, 190 millions aujourd’hui. Canva a levé environ 580 millions de dollars en tout, emploie 4500 employés et pèse désormais plus de 26 milliards de dollars. Ce n’est pas grand chose à côté des 70% de parts de marché d’Adobe, mais cela en fait quand même la startup dirigée par une femme la plus valorisée au monde.

Cette réussite s’explique par le fait que beaucoup de monde attendait une alternative simple à Adobe & Co. C’était l’intuition de départ de Melanie Perkins. Mais le contexte leur a aussi été favorable. L’idée de Canva est née avec l’essor d’Internet, mais elle est arrivée au moment de l’explosion des réseaux sociaux, Twitter et Instagram, où tout un chacun a eu besoin de produire rapidement et facilement des images pour son profil ou alimenter ses fils.

Là où Canva a été malin, c’est dans sa manière de se développer. Déjà, elle s’est beaucoup appuyée sur ses communautés pour améliorer ses produits et ses services. Elle n’a pas juste pensé son outil qu’avec de simples déclinaisons de langue, elle a créé des fonctionnalités et des bibliothèques de contenus en fonction de spécificités locales. Ce qui n’a été possible que parce que Canva a pris soin d’écouter les besoins de ses utilisateurs.

Elle ne cesse de défendre l’image d’une startup différente, un peu rebelle, très proche de ses employés, prônant une culture de l’entreprise loin des standards de la Silicon Valley. Quitte à verser dans le cringe parfois.

Sauf qu’avec l’arrivée de l’IA, tous les concurrents repartent sur une nouvelle ligne de départ. Avec des nouveaux venus en plus.

Le petit poucet australien est donc devenu une licorne mondiale, toujours dirigée par ses trois fondateurs Melanie Perkins, Cliff Obrecht et Cameron Adams, et qui prépare à une introduction en bourse. Mais forcément, quand on produit de l’image, on n’a pas le droit de regarder passer la vague de l’IA générative sans réagir.

L'entreprise proposait déjà une gamme d'outils basés sur l'IA appelés Magic Studio pour générer des vidéos et des images. Les images peuvent ensuite être modifiées et utilisées pour des présentations ou des publicités. Cana va acquérir la startup spécialisée dans l'intelligence artificielle Leonardo.Ai, quelques mois après avoir racheté Affinity, concurrent de Photoshop et Illustrator d’Adobe.

Pour le coup, elle n’a pas encore trouvé la manière de se différencier d’une concurrence plus frontale. Le risque de devenir obsolète est bien réel. D’autant qu'Adobe vient marcher sur ses plate-bandes, avec un logiciel plus simple destiné aux créateurs occasionnels pour faire des graphiques, des publications sur les réseaux sociaux et des vidéos. Un vrai Canva like. Ou un vrai Canva killer plutôt.


UN MOT DE NOTRE CHAÎNE YOUTUBE

Champion du monde du 800 mètres en 2017, Pierre-Ambroise Bosse est loin d’être un athlète comme un autre. Suivi par des milliers d’abonnés sur ses comptes Insta et TikTok, il parle sans filtre de son sport qui, selon lui, a été dégradé par l’image et les réseaux sociaux au fil des années. Aujourd’hui retraité et loin du sport business, il s’engage dans l’associatif avec The Clean Project, un mouvement écolo qui organise des footings anti-pollution dans toute la France. On a parlé de tout ça - et on a beaucoup ri - avec lui. C’est dispo sur notre chaine YouTube.