Hupster

Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
4 déc. · 6 mn à lire
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👀 L'histoire de Tesla, le vrai du faux

👉 Ou comment la voiture électrique a fini par se confondre avec Elon Musk

🔎 Hello, aujourd’hui, je vous raconte la saga Tesla dont le storytelling est en constante réécriture au bénéfice de son emblématique patron. Alors que Elon Musk passe désormais plus de temps à Xer et faire de la politique, que la voiture électrique arrive à un nouveau tournant de son histoire, on a eu besoin de comprendre comment cette marque est passée de sujet de plaisanteries à leader incontesté sur son marché. Même s’il reste quelques zones d’ombre, c’est bien d’y voir plus clair.

💥 Au programme : 1 934 mots pour 6 min 30 de lecture. Enjoy, David !


Qu’a apporté Tesla en termes de technologie ? C’est la première question à se poser. Et pour y répondre, il faut remonter aux origines de la marque. Quand Tesla Motors est fondée en 2003 par Martin Eberhard et Marc Tarpenning, ces derniers n’ont ni usine, ni chaîne de production. Ils ont une idée et surtout une manière  différente de voir les choses. Quand ils imaginent la manière dont on doit penser le futur de la voiture électrique, il ne s'agit pas de transformer une voiture classique en véhicule électrique mais de penser une voiture autour d’une batterie. Il ne s’agit pas d’être un constructeur automobile mais une entreprise technologique qui construit une voiture.

Ça n’a l’air de rien mais ça change tout. Car cette démarche, moquée à ses débuts, a obligé tout un secteur à courir après Tesla alors que jusqu’à présent, il avait tout fait pour le tuer dans l’œuf. En effet, dans les années 90, General Motors avait inventé la première voiture électrique moderne et produite en série, la EV1. Elle est très moche mais on croit à une révolution d’autant que l’Etat de Californie a pris des mesures pour inciter à la production de véhicules à zéro émission de carbone.

Martin Eberhard et Marc Tarpenning aka les vrais boss de Tesla

Mais tout cela ne va pas dans le sens du lobby automobile. Résultat : GM met fin brutalement à la production de son EV1 et la Californie finit par revoir ses ambitions à la baisse. On se dit que la voiture électrique, ce n’est pas pour tout de suite. Mais c’est le moment où Tesla arrive. 

Pour parvenir à leurs fins, Martin Eberhard et Marc Tarpenning vont partir d’une obscure voiture électrique produite à la main, la T-Zero, mais avec un moteur puissant et une batterie lithium-ion prometteuse, de même nature que celles utilisées pour nos ordinateurs, qu’on pouvait recharger à partir d’une prise électrique normale.

Ils vont ensuite adapter cette technologie à Lotus pour produire la première Roadster. Mais cette expérience va apprendre à Tesla qu’il vaut mieux tout repenser plutôt que de partir de l’existant.

Officiellement, Elon Musk affiche le titre de cofondateur de Tesla. On peut dire sans hésiter que la marque n’existerait plus sans lui. Et que c’est lui qui en a fait ce qu’elle est devenue. Mais il n’est pas à l’origine de Tesla. C’est Martin Eberhard et Marc Tarpenning qui l’ont crée, même si Elon Musk cherche à les gommer de l’histoire. Revenons un peu en arrière.

Dans les années 90, Martin Eberhard et Marc Tarpenning réalisent un très bon coup financier en inventant le Kindle avant le Kindle, puis en revendant cette liseuse électronique pour 187 millions de dollars, au début des années 2000.

Une somme confortable pour voir venir. Et pourquoi pas s’acheter une voiture de sport, se dit Martin Eberhard. Une envie difficilement compatible avec une once de bonne conscience écologique. En effet, toutes ces voitures consomment beaucoup trop. Et donc polluent beaucoup trop. Jusqu’au jour où il tombe sur un prototype fabriqué à la main, la T-Zero dont on connaît l’importance pour la suite.

Sauf que le fabricant du T-Zero court à la faillite. Alors Martin Eberhard et Marc Tarpenning décident d’utiliser leur pactole pour investir dans la T-Zero. Les deux amis fondent alors Tesla Motors, en 2003 en hommage à Nikola Tesla et se mettent en tête de produire des voitures sportives électriques.

Très vite, ils ont besoin de cash et en 2004, Elon Musk décide de mettre 6,5 millions de dollars en échange du poste de chairman du conseil d’administration. Il fait confiance à Martin Eberhard et Marc Tarpenning pour l’opérationnel, lui doit déjà s’occuper de développer Space X à ce moment-là.

Mais en 2007, au moment où doit sortir le Roadster, le premier modèle Tesla, rien ne va. Elle coûte 190.000 dollars à fabriquer pour un prix de vente envisagé de 100.000 dollars. Le schéma de production est un enfer, le modèle n’est pas abouti. Alors Elon Musk va débarquer les deux fondateurs originels et placer des hommes à lui. Mais il finit par prendre les commandes un an plus tard. Et désormais, Tesla, ce sera lui et personne d’autre. Pour le meilleur et pour le pire.

Pour le dire de manière caricaturale, avant Tesla, la représentation qu’on pouvait se faire de la voiture électrique n’était pas très sexy. Cet argument pourrait ne pas peser plus que le fait de pouvoir se déplacer d’un point A à un point B en toute sécurité en polluant le moins possible. Mais dans la motivation d’achat d’une voiture à 100.000 dollars, c’est un élément qui compte. 

Bref, jusqu’alors, la voiture électrique, c’était cher, moche, peu pratique. Avec le premier modèle de Tesla, la Roadster, ce n’était pas forcément moins cher et plus pratique, mais ça avait de la gueule. Et ça allait vite. Ça, c’est quelque chose qu’Elon Musk avait prophétisé. Des gens seront prêts à 100 000 dollars dans une voiture électrique si elle ressemble à une Porsche et pas à un mini-tank. Et c’est ce qui s’est passé.

Ceci n’est pas une Ferrari mais bien un Tesla Roadster

Ça, c’est pour le côté frime. Mais ça a permis à Tesla de lever ses premiers fonds. Au tout début, le premier moteur Tesla était embarqué incognito dans une Elise de la marque Lotus. Les patrons de Tesla invitaient les investisseurs potentiels à la conduire pour se rendre compte de sa puissance. Et ces derniers s’amusaient à faire des courses d’accélération avec des sportives de luxe qu’ils battaient à plate couture avec leur voiture presque banale. C'est grâce à cela que les premiers investisseurs ont accepté de miser sur cette voiture qui n’existait pas vraiment encore.

Pour être juste, Tesla a, au fur et à mesure de ses modèles, permis de gommer certaines critiques qui collaient à la peau des voitures électriques: autonomie remarquable, charge des voitures plus simple, compatibilité de ses chargeurs...


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Alors que le Elon Musk nouveau se voit désormais en grand pourfendeur de la dépense publique, de nombreuses voix s’élèvent pour rappeler que lui en a bien profité pour développer ses entreprises. C’est à la fois vrai et exagéré de dire cela.

Essayons de regarder les choses de plus près. S’il est exact que Space X doit beaucoup aux marchés publics que la société a remportés - on dit que la NASA a été pillée -, il n’en est pas tout à fait de même pour Tesla. On trouve des subventions pour inciter à l’achat de voitures électriques — toutes les marques en bénéficient — ou des aides pour installer une usine dans le Nevada par exemple. Mais quelles collectivités aujourd’hui ne déroulent pas le tapis rouge pour faire venir à elles des entreprises innovantes, ou pas ?

On trouve aussi un prêt de 465 millions de dollars du département de l’énergie du gouvernement américain en juin 2009. Un prêt remboursé en mai 2013 avec 12 millions d’intérêts à la clé.

Ce qu’on peut dire aussi, c'est que Elon Musk a investi beaucoup d’argent à titre personnel dans Tesla. A plusieurs reprises, l’entreprise a failli faire faillite. Et c’est souvent les apports personnels de Musk qui ont permis de tenir jusqu’à ce que le marché de la voiture électrique s’emballe.

Le premier modèle de Tesla valait 100.000 dollars. Et durant les quatre années de son existence, entre 2008 et 2012, il s’en est écoulé 2500. Pas assez pour établir un modèle économique.

Alors pour les modèles suivants, il était évident qu’il fallait produire des voitures moins chères pour toucher le grand public. Et pour ça, il a fallu revoir toute la chaîne de production et innover.

Déjà, ils ont décidé de vendre les voitures avec certaines options déjà intégrées, et c’est en payant qu’on peut les débloquer. Cela évite de construire plusieurs modèles différents.

De plus, elle a mis au point des presses géantes qui permettent de fabriquer en une fois des parties du squelette de la voiture en injectant un alliage d'aluminium fondu dans un moule géant. Cela lui fait gagner un temps considérable dans l’assemblage et la production finale. Seul détail, en cas d’accident, ces parties ne sont pas remplaçables et la voiture part à la casse direct.

Une Tesla factory from the inside

Mais depuis, beaucoup de constructeurs historiques lorgnent sur cette nouvelle manière de faire du Lego avec des voitures.

Si ces avancées sont réelles, elles ont joué des tours à l’entreprise. L’optimisme parfois aveugle d’Elon Musk le conduisant à des annonces intenables, et donc des retards en bout de chaîne. A tel point qu’il a été inventé une expression pour ça, le « Elon Time ».

Par ailleurs, Tesla n’a pas révolutionné que la production, elle a aussi inventé sa propre méthode de livraison des véhicules neufs à ses clients, une méthode davantage inspirée d’Amazon que des pratiques habituelles du secteur. Il faut aimer se retrouver sur des parkings de zones industrielles pour trouver sa voiture au milieu de plein d’autres et devoir se débrouiller seul. Apparemment, on s’y fait mais les acheteurs de Tesla sont souvent des fans et comme ceux d’Apple, ils passent beaucoup de choses à leur marque préférée.

On l’a dit, Tesla n’est pas constructeur automobile mais une entreprise technologique qui fabrique des voitures. Normal donc que Tesla produise bien d’autres choses, et pas seulement dans l’écosystème automobile :

  • Elle produit un système avancé d’assistance à la conduite qui permet à la voiture de tourner, accélérer et freiner automatiquement.

  • Pour la prochaine étape, elle investit dans l’intelligence artificielle pour permettre une conduite sans navigation humaine.

  • Elle développe des robots humanoïdes.

  • Elle investit dans les panneaux solaires.

  • Elle a construit un réseau mondial de stations Tesla pour charger les modèles de la marque mais les autres aussi.

Optimus, l’humanoïde made by Tesla

Tesla a beau avoir de très bons scores aux crash-tests, une étude américaine très récente a montré que la marque affichait un «taux de mortalité» deux fois plus important que la moyenne. Parmi les véhicules concernés, le Tesla Model Y qui occupe la sixième place des modèles les plus dangereux.

L’hypothèse avancée, c’est que les technologies d’aide à la conduite ont pour effet de faire baisser le niveau de vigilance, augmentant le risque d’accidents. D’autant que pour maitriser la puissance d’une Tesla, il faut un peu d’expérience.

Ce n’est pas le seul problème de Tesla, le Bureau français d'enquêtes sur les accidents vient de conseiller au constructeur américain de revoir son système de freinage d’urgence, suite à un accident mortel survenu en 2021 à Paris. Et plusieurs polémiques se poursuivent concernant l’Autopilot, son système d'assistance à la conduite. Tesla s’est évité un procès en Californie grâce à une transaction mais fin 2023, elle a été obligée de rappeler 2 millions de véhicules pour faire une mise à jour de son logiciel.

Longtemps, Elon Musk a porté Tesla à lui-seul. C’est lui qui est allé chercher des partenariats industriels décisifs, avec Daimler par exemple. Sauf que depuis un moment, son investissement dans Twitter puis son engagement politique commencent à nuire à l’image de marque du constructeur. Et c’est vrai qu’il y a une ambiguïté à construire des voitures censées aider à sortir du tout-pétrole et en même temps à soutenir Donald Trump.

Posséder une Tesla était une forme d’attribut libéral, dans le sens progressiste du terme. La question se pose désormais de savoir si le marqueur conservateur du patron de Tesla peut jouer en défaveur de la marque. Si c’est le cas, il faudra faire un choix.

(A demain pour une nouvelle question Hupster, on parlera d’un projet génial sur les archives de YouTube.)


UN MOT DE NOTRE CHAÎNE YOUTUBE

Il a découvert la tech dans ses années collège et ne l'a plus jamais quittée. Aujourd'hui, il en parle sur YouTube à une communuauté qui frôle les 700 000 abonnés. On a voulu comprendre avec Léo Duff‬ comment il fabriquait ses vidéos, combien de temps ça lui prenait et aussi comment il voyait se développer devant ses yeux l'industrie des créateurs dont il fait aujourd'hui pleinement partie. 

N'hésitez pas à nous dire en commentaire si vous avez aimé l'entretien, si vous avez des questions ou des envies concernant d'autres invités qu'on pourrait recevoir sur la chaîne. Pour le voir, c’est ici.