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Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
16 oct. · 5 mn à lire
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Pourquoi ça marche toujours Le Fooding ?

👉 Ou comment devenir une institution tout en restant tendance.

🔎 Hello, on va parler bouffe aujourd’hui et on adore ça à Hupster. Mais on va surtout apprendre comment Le Fooding, devenu une institution du monde de la cuisine, a réussi à rester au top depuis près de 25 ans. C’est ce qu’on va voir avec Alexandre Coing, le directeur général du Fooding.

💥 Au programme : 1 584 mots pour 7 minutes de lecture. Enjoy, David !


« Si on se remet dans le paysage de l'époque, Instagram n'existe pas, Top Chef non plus, Internet ne ressemble pas à ce qu’il est aujourd’hui. D’ailleurs, à part Maïté et Robuchon à la télé, il n’y a pas grand chose. Le fondateur, Alexandre Cammas, a une intuition : le restaurant qu'on a envie de mettre en avant doit être pensé comme une expérience.

C’est l'étymologie même du mot Fooding, «food et feeling». On a envie de bien manger quand on va au restaurant, mais on a aussi envie de vivre une expérience complète, cohérente, qui va de l'accueil au service, à la déco, à la musique, à l'assiette, aux produits, comment ils sont faits, comment ils sont travaillés, qu'est-ce qu’on ressent… 

Ça veut dire s'intéresser à la singularité, à la vie dans les restaurants, à des propositions… Libres d'appartenir ou non à des codes et à des types de restaurants. C’est pour ça que, dès le début, la street food et les trois étoiles se côtoient dans un beau mélange pas hiérarchisé, volontairement pêle-mêle. On était les premiers à parler de la bouffe comme ça et à la faire se croiser avec d’autres champs culturels, comme la musique, l’art au sens large…

Tout de suite, cette proposition est bien reçue par une audience urbaine branchée, avide de nouvelles expériences et intéressée par ces nouvelles représentations. Le Fooding est aussi né et a évolué avec des acteurs de la restauration et de la gastronomie qui avaient envie d'inventer des formes nouvelles. 

C’est l’histoire de la bistronomie, un savoir-faire de grands cuisiniers qui sortent des palaces et qui utilisent leur technique avec des produits plus modestes, plus accessibles, en enlevant beaucoup d’artifices. Ces gens-là ont avancé main dans la main avec nous et ont construit une influence commune, un segment médiatique qui n’existait pas.»

« Une fois lancé, Le Fooding devient très rapidement une référence. Plusieurs indicateurs le montrent : les expressions qu’on invente et qui passent dans le langage courant, les fêtes où tout le monde veut être, et l’impact médiatique de la sélection annuelle du guide Fooding largement partagée dans toute la presse, par le milieu, par les leaders d’opinion, par les gens qui nous lisent et ceux dont on parle. 

Le Fooding, devenu un label valorisant,  apporte une clientèle et une crédibilité que les restaurateurs ont envie de revendiquer.

Déjà c'est une reconnaissance incroyable, tout le monde ne parvient pas à devenir une telle référence sur son secteur. Après, devenir une institution, c'est davantage une réussite qu'un risque. Le risque, c'est d'être copié et finalement dépassé par quelqu'un qui finirait par faire la même chose que toi, en ayant appris, mais en mieux. La copie en soi, c'est de l’hommage. Ça montre la crédibilité et l’utilité du travail réalisé.

Et dans la mesure où on a toujours eu la volonté de toujours se renouveler, on continue à vouloir être ancré dans le goût de l’époque.»

« Ce qu’il nous faut défendre, ce n’est pas juste le mot “Fooding”, c’est ce qu’il représente. Elle est à défendre parce qu'elle est un peu fragile, parce qu'elle ressemble à un nom commun, à une tendance et elle est parfois utilisée à tort comme telle. Il y a un enjeu d’appropriation de ce qu’on produit, pour en garder la propriété et les retombées, pour ne pas la diluer, ne pas amoindrir notre vision, notre éthique, notre manière de faire les choses.

Là où c'est dangereux, c'est quand il y a une tentative d’appropriation par des marques qui n'ont rien à voir avec nous qui se servent de la marque pour valoriser une offre d'alimentation industrielle.

Alors durant dix ans, entre 2010 et 2020, on a été assez intransigeant et on a défendu la marque jusqu'à avoir la jurisprudence pour nous. Maintenant, nous sommes moins fragiles. Donc moins en danger.»


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« Ça se passe fin 2020, en plein Covid. Notre métier, c’est de parler de restaurants et de monter des événements. Les restaurants sont fermés et on ne peut plus réunir de gens. C’est le moment où Alexandre Cammas et Marine Bidaud décident de vendre au groupe Michelin et de passer la main.

Comme on est dans une phase d’inactivité forcée, c’est le moment de se poser pour réfléchir à notre identité, notre stratégie. Le Fooding a 20 ans? C’est quoi les prochaines années ? C’est quoi Le Fooding à long terme ?

Moi, je suis arrivé en 2014, Christine Doublet, la co-directrice, en 2015. On a vraiment l'identité du Fooding au cœur, on veut assumer cet héritage et réfléchir aux nouvelles conditions d'exercice dans un secteur chamboulé, même avant le Covid. Il faut pérenniser une position sans devenir une institution vieillissante.

Ce qu'on fait d'abord, c'est de poser une nouvelle Raison d'être. En 2000, l'idée était de dépoussiérer la gastronomie. En 2020, notre envie c'est de la “désuperficialiser”. Il y a une surabondance de contenus, d'images, d’avis…Et un manque de fonds et d'éclairage. Donc la mission qu’on se donne, c'est d'être une forme de phare qui guide et qui éclaire, en ajoutant du fonds et une partie magazine, dans laquelle on va creuser des sujets qui vont mêler la bouffe, la société, la politique, la durabilité, l’inclusion… On crée de nouveaux contenus, des nouveaux formats pour les réseaux sociaux, un nouveau format de newsletter, une nouvelle application qui inclut du contenu et des services comme la possibilité de réserver des hôtels comme des restos, un nouveau site internet avec plus de fond.

Cette phase-là est terminée et on va maintenant enchaîner avec une seconde pour aller au-delà du média historique en travaillant de plus en plus l'expertise conseil, la production éditoriale pour des tiers… On va lancer un site vitrine de notre agence, une maison d’édition, avec des livres pour nous et pour des clients. » 

« Le palmarès vient conclure une phase d’enquête annuelle. On va tester les adresses qui étaient déjà dans le guide l'année précédente et les nouveautés qu'on considère intéressantes. On détermine une liste de 2000 restaurants et adresses à tester, on y envoie nos enquêteurs et nos enquêtrices. Et parmi les nouveautés, on leur demande de nous faire remonter celles qui étaient particulièrement marquantes.

À partir de là se détache une liste d'établissements qui sont identifiés comme potentiellement primables, entre 30 et 50. Là, il y a une deuxième phase d'enquête et les 30 adresses les plus intéressantes sont toutes testées par Christine Doublet pour décider qui va recevoir un prix. Il n'y a pas de catégorie a priori, les prix sont faits par l'expérience finale du terrain et au final, les lauréats représentent les grandes tendances de l’année dans la restauration, dans l’évolution des goûts.

Et ensuite, quand on rédige le guide et quand on choisit l’intitulé des prix pour le palmarès, il y a un travail très important sur les mots. C'est comme ça que des mots ont été inventés au Fooding, comme la bistronomie, ou les caves à manger. »  

« Ce qu’on sait, c’est qu’on ne va pas se mettre à incarner Le Fooding, ce qui se fait beaucoup sur Instagram, TikTok et même dans les médias désormais. Nous restons un guide gastronomique anonyme fait par des gens discrets vis-à-vis du milieu. Cette grammaire-là, d’être face caméra, ce n’est pas nous.

Ça fait longtemps qu’on fait des vidéos avec des chefs sur notre site mais on préfère revendiquer sur les réseaux sociaux qu’on est un média de l'écrit, de la photo, de l’illustration. Alors quand on décide de renforcer nos comptes Instagram avec plus de contenus et de sélections de restaurants, on le fait par le biais d’un carrousel avec textes et photos, et ça marche très bien comme ça.

Cela ne nous empêche pas de collaborer beaucoup avec les influenceurs sur des opérations de contenu pour des marques, quand on veut toucher des audiences complémentaires des nôtres. Nous, on va être à l'initiative de la création et eux vont “l'endorser” pour aussi toucher leur communauté. Ce sont des relais d’opinion très forts, y compris pour notre propre actualité.»

« On y est allé avec la volonté de créer une sélection complète du pays, on a recruté des journalistes locaux pour tester des centaines et des centaines de restaurants et en tirer les 500 plus remarquables qui correspondaient à notre ligne éditoriale.

Ce n’est pas notre axe prioritaire de développement mais c'est vraiment une volonté éditoriale d'aller défricher un autre pays. Et ensuite d'un point de vue de développement de la marque, c'est aussi un test pour tester la robustesse d'un modèle à l’international, développer un savoir-faire et voir s'il y a la capacité de faire plus ailleurs.

La Belgique est apparue pour plein de raisons comme le premier pays où il fallait le faire. L’accueil des professionnels est bon, les audiences sont au rendez-vous, les clients, les sponsors ont répondu présents dès la première année, et nous avions des événements prévus alors que nous n’étions pas encore sortis. Bref, comme le test est concluant, il y en aura d'autres dans les années qui viennent. Et le prochain, dans les deux ans, ce sea les Pays-Bas. Et d’ici 2030, nous aurons 5 pays en tout.»


UN MOT DE NOTRE CHAÎNE YOUTUBE

Une fois n’est pas coutume, cette semaine on s’intéresse à un métier assez méconnu du grand public et qui est pourtant au cœur de l’économie de la création : auteur. On a discuté avec l’un d’entre eux, Pierre-Paul Audi qui a notamment travaillé sur des émissions comme « Lol Qui Rit Sort » ou encore « Comedy Class » diffusées sur Prime Video avec Eric et Ramzy. Pendant 30 minutes, il nous dévoile les coulisses de son métier avec beaucoup d’anecdotes à la clé…Si ça vous intéresse, ça se passe ici.