Hupster

Tous les jours, une question sur l’économie de la création et tous les mercredis une saga décryptée sur une entreprise qui cartonne 💡

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Par Hupster
22 avr. · 4 mn à lire
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👀 Pourquoi ça marche Veja ?

👉 Alors que la marque de baskets écolo a choisi un modèle économique a priori impossible

🔎 Hello, on vous explique comment Veja réussit à s’imposer en révolutionnant toute sa chaîne de production.

✨ Où l’on apprend que la marque ne fait pas de publicité et qu’elle n’offre pas de modèles à des stars.

🧨 Au programme : 1 495 mots pour 5 minutes de lecture. Enjoy, David.


Peut-on réussir sans faire de publicité, sans avoir de stocks, et en incitant vos clients à faire réparer vos produits plutôt qu’à en racheter des nouveaux ? C’est contre-intuitif, mais la réponse est oui et elle s’appelle Veja.

La marque française de sneakers fait partie de ce mouvement, à l’instar de Loom, qui lutte contre toutes les dérives de la mode, de l’habillement, et de la surconsommation en général. Elle milite pour une économie durable qui profite à tous. Il existe pas mal de fabricants de baskets qui travaillent localement - on a un faible pour les Enzi produites en Ethiopie, leur histoire est assez dingue aussi -, mais jamais cela n’a été mis en place à une aussi grande échelle.

Le positionnement de Veja, sa cohérence d’un bout à l’autre de la chaîne de production, ses engagements sont devenus ses meilleurs arguments marketing pour vendre à travers le monde entier. Sans oublier le look de ses modèles bien sûr.

Alors que la marque ouvre un premier atelier de réparation de baskets à New York, après avoir testé ce principe en France, on a eu envie de vous raconter l’histoire de Veja à travers les 4 points qui font la différence avec tous les autres.

Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion, les « cofounders » // © DRSébastien Kopp et François-Ghislain Morillion, les « cofounders » // © DR

1/ Se lancer envers et contre tous

Veja naît officiellement en 2004. Mais il faut remonter quelques années auparavant pour en comprendre la genèse. Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion travaillent tous les deux dans la finance aux États-Unis. Ils sont amis depuis le lycée, et ils gagnent très bien leur vie. Mais il leur manque quelque chose. Ils n’arrivent pas à s’épanouir dans ce monde. Comme beaucoup, ils sont en quête de sens.

Le constat qu’ils font, c’est que l’économie est désormais plus forte que la politique. Et que si on veut essayer de changer quelque chose à ce monde, il faut le faire par l’entreprise. Ils se voient d’abord en conseillers de grosses multinationales pour les aider à remplir des objectifs de développement durable. Mais ils vont de désillusions en désillusions.

Ne leur reste plus qu’une seule solution : monter leur propre boîte en respectant des idéaux sociaux et écologiques. Tout en gagnant de l’argent. On leur dit que c’est impossible. Alors ils vont le faire.

Alors pourquoi le choix de la basket, un marché ultra-concurrentiel alors dominé par quelques marques ? Les deux amis ont coutume de répondre que c’est juste parce qu’ils adorent ça, qu’ils ont grandi avec ça aux pieds. Aujourd’hui, on peut dire que ce choix dépasse celui de la simple passion. Pour au moins 3 raisons:

  • Oui ce marché est concurrentiel. Mais parmi les poids lourds, il n’y a personne véritablement sur le créneau qu’ils veulent occuper, celui de la basket durable.

  •  D’un point de vue politique, c’est typiquement le produit symbole de la domination des pays du Nord sur les pays du Sud et c’est sûrement à cet endroit qu’il y a des choses à changer.

  • Ils perçoivent une attente chez les consommateurs de pouvoir acheter des baskets en ayant pleinement conscience de leur schéma de production et de leur moindre impact.

« Le » grand V // © Veja« Le » grand V // © Veja

Tous les deux investissent ce qu’ils ont d’économie, 5 000 euros, pour se lancer. Pour eux, il ne s’agit pas seulement de créer une boîte, ils doivent repenser leur business du début à la fin pour l’adapter à leurs contraintes. Et en faire une force. Cela va devenir une habitude pour eux.

2/ Déconstruire pour tout reconstruire

Seul problème au départ. Ils n’y connaissent rien. Ni à la mode. Ni à la chaîne de production de la chaussure. Ils commencent par détricoter toutes les phases de fabrication d’une basket en essayant de réfléchir à chaque étape ce qu’ils pouvaient faire pour rendre leur produit plus écolo, plus responsable.

Ils se rendent en Amérique du Sud pour essayer de construire avec les producteurs locaux et les coopératives, la filière de production la plus juste. Et déjà est fixée une règle essentielle : on ne se base pas sur les montants des échanges existants mais sur les prix réels fixés en concertation avec les partenaires pour que ces derniers puissent en vivre. Soit le double, voire le triple du prix du marché.

Depuis, Veja travaille avec des agriculteurs au Brésil et au Pérou pour récolter du coton bio, achète du caoutchouc aux agriculteurs de l’Amazonie et collabore avec des ranchs et des tanneries en Uruguay et au Brésil qui n'utilisent pas de colorants ou de métaux nocifs pour le cuir dont elle a besoin…

Tout cela coûte cher et pour rester concurrentiel sur ses prix de vente, elle a sacrifié des postes qu’elle juge moins importants. Et ça tient en trois mots : pas de stocks. Pour cela, l’entreprise a dû également révolutionner l’autre bout de la chaîne de production. Les baskets viennent en bateau du Brésil et seulement la quantité nécessaire. Veja ne fait fabriquer que ce que les distributeurs lui commandent. Pas étonnant que les modèles les plus courus soient indisponibles. Ça se mérite.

En réduisant les coûts engendrés par la gestion des stocks, Veja parvient à rester compétitif sur ses prix de vente. D’autant qu’elle a pris une autre décision : on ne parle pas des baskets, ce sont les baskets qui parlent pour elles-mêmes


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3/ Rester droit dans ses baskets

N’importe quel investisseur vous déconseillerait de ne pas faire de publicité de votre produit d’une manière ou d’une autre. Comment voulez-vous vous faire connaître autrement ?

Veja est donc l’exception qui confirme cette règle. Aucun service marketing, pas un centime dépensé en publicité ou versé à des influenceurs sur les réseaux sociaux. Au commencement, Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion sont allés se faire connaître dans un salon international de la mode féminine à Paris. Personne n’a vraiment compris l’ampleur du projet mais tout le monde a aimé cette nouvelle marque au look minimaliste.

Compatibles même avec des chaussettes bleues // © Veja Compatibles même avec des chaussettes bleues // © Veja

Depuis, Veja s’est fait un nom et pas besoin de payer des stars, elles font elles-mêmes de la publicité. Ainsi Marion Cotillard qui a placé dans une interview que Veja était sa marque préférée avec Dior et Channel. Ou Meghan Clarke qui porte des Veja aux pieds lors d’un voyage officiel en Australie. Et dans ces cas-là, la marque française fait le tour du monde.

Il fallait oser cette ligne radicale. Cela n’est possible que parce que les deux fondateurs n’ont jamais voulu lever de fonds. Aujourd’hui, il possède toujours l’entreprise à 50/50 et ce sont eux qui continuent de choisir de nouveaux défis qui vont à l’encontre de tout business model, mais qui respectent la ligne de conduite qu’ils se sont fixés.

Et le prochain défi est déjà tout trouvé : plutôt que de racheter des baskets, faites-les donc réparer.

4/ Réparer, c’est gagner

L’idée de départ, ce n’était pas celle-là. Veja a d’abord cherché à vouloir recycler les chaussures en fin de vie. Mais en prenant contact avec leurs clients, la marque s’est rendue compte que les gens jetaient leurs baskets alors que celles-ci n’étaient pas encore en fin de vie. Tout cela parce qu’ils n’ont pas de cordonniers spécialisés capables de les réparer.

Avant de chercher à recycler, Veja s’est donc mis en tête de faire porter ses modèles le plus longtemps possible. En 2020, elle a donc ouvert un atelier de réparation pilote à Bordeaux. Puis trois autres à Paris, Berlin et Madrid. À chaque fois, elle a pris soin de former une nouvelle génération de cordonniers spécialisés dans les sneakers. Et pas seulement des Veja, car on peut y apporter des baskets de toutes les marques. Et symbole, elle vient d’ouvrir son nouvel atelier à New York dans le quartier de Brooklyn.

Tout ça, ce n’est pas juste pour l’image. Depuis qu’elle a lancé cette activité, elle a fait réparer plus de 20.000 paires de chaussures. Et avec l’inflation et la lutte contre la fast fashion qui rentre dans les têtes, il n’y a pas de raison que ça s’arrête.

Alors, Veja pourra s’attaquer à son prochain gros chantier : on en fait quoi de toutes ces chaussures qu’on ne peut vraiment plus mettre ?


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